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DUNAN.le concept de cause

d’Uranus, fut attribué à la planète hypothétique. Or il est évident que les influences des astres connus qui composent le système solaire n’étaient pas les seules que subit Uranus. Une infinité d’autres astres perdus dans l’immensité de l’espace agissaient également sur cette planète ; seulement toutes ces actions prises ensemble formaient un contingent si faible que l’astronome put les négliger pour s’en tenir à la détermination des causes prédominantes, et ses calculs se trouvèrent si exacts que l’on put, peu de temps après, constater l’existence de Neptune au point précis du ciel que lui-même avait d’avance désigné. On le voit, la possibilité d’une solution du problème dépendait de l’isolement du système solaire par rapport à ce que nous appelons les étoiles fixes, c’est-à-dire de l’existence d’un petit nombre de conditions ayant une action prédominante sur la marche du phénomène. Heureusement pour nous, les choses se passent d’une manière analogue dans une multitude de cas, et la plupart des phénomènes dépendant d’une façon extrêmement étroite d’un petit nombre d’antécédents que nous pouvons assigner, il nous est permis de les subordonner à des lois. Mais, ne nous y trompons pas, il n’y a là qu’une faveur de la nature, non une nécessité des choses. Du reste, la nature ne s’est pas engagée à nous accorder toujours cette faveur ; elle nous la refuse quelquefois au contraire. Par exemple, un homme et une femme s’unissent pour l’acte de la génération : qui pourrait décrire d’avance avec précision la figure, le tempérament, les aptitudes intellectuelles, les dispositions morales du sujet qui naîtra de cette union ? C’est qu’ici les causes prédominantes de toutes ces particularités sont extrêmement complexes, plongeant par leurs racines bien avant dans le passé, et remontant souvent jusqu’à plusieurs générations d’ancêtres. Puis, entre ces deux cas extrêmes, il y a une multitude de cas intermédiaires. Par exemple, l’effet d’un remède à prendre si l’on est malade est tout à la fois beaucoup moins déterminé que la marche d’une planète ou la forme cristalline que prend un sel en se solidifiant, et beaucoup plus aisé à prévoir que les traits d’un enfant encore à naître, mais dont on connaît le père et la mère. La théorie que nous soutenons rend compte de tout cela, tout aussi bien au moins que celle de l’antécédent inconditionnel. Elle permet même d’aller plus loin et de comprendre, par exemple, que les effets de ce phénomène étrange qui s’appelle la génération demeurent d’autant plus mystérieux que l’organisme procréateur et l’organisme procréé sont plus délicats et plus complexes. C’est ainsi que la prévision relativement à certains détails de structure, impossible s’il s’agit d’un homme, devient au contraire assez aisée s’il s’agit d’un cheval, et bien plus encore s’il