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l’entend pas autrement ; à la page 158 de son livre, après avoir dit tenir Marphurius pour le petit-fils de Pyrrhon, il reproduit — puisque aussi bien personne, au jugement de Pascal (Pensées, art.  viii, 1), n’est assez fou pour douter si on le pince, si on le brûle — la définition qu’a donnée, du scepticisme, le théoricien de la raison impersonnelle. Mais tandis que, pour celui-ci le scepticisme qui résulterait du conflit des deux doctrines sensualiste et idéaliste, trahissait surtout un état mental particulier, pour M. Droz, il est surtout une activité intellectuelle (p. 102), le fait de se piper soi-même ou de piper autrui ; d’où, tandis que l’auteur des Études sur Pascal constatait, avec regret, que le « scepticisme est le principe du livre des Pensées », M. Droz veut laver Pascal du « reproche » qu’on lui a fait, qu’on lui fait, d’avoir été sceptique.

Le livre des Pensées est-il sceptique par la méthode ? Est-il sceptique par la doctrine ? Ce sont les deux questions qu’il se pose au début de son étude critique, et de son étude critique, les deux premières parties, — on en compte trois — sont consacrées à l’examen, et de la méthode et de la doctrine de Pascal dans son Apologie.

Dans la première partie, quatre chapitres, qui sont intitulés : Les circonstances et le milieu où s’élabora l’Apologie ; L’accommodation de la méthode à la volonté de l’incrédule ; L’accommodation de la méthode à la nature de l’esprit à convaincre ; L’accommodation de la méthode à la nature de la chose à prouver.

M. Droz se demande s’il peut exister un scepticisme théologique concluant de l’incertitude de la raison à la nécessité de la foi (p. 20 à 24) ; avant d’en venir aux Pensées, il regarde à partie du jugement porté, sur Épictète et sur Montaigne, par l’auteur de l’Entretien, et distinguant entre le propter hoc et le post hoc, il fait cette remarque : Pascal n’a pas pensé que, les philosophes se disputant entre eux, et tous avec d’égales apparences de vérité, il faut embrasser la religion, mais que la religion exprime toute la vérité, là où les philosophies sont muettes ou parlent mal. — Soit, deux pensées différentes, dont l’une ne saurait être attribuée à Pascal, et Pascal ne devait pas songer à « extorquer de la raison, le désaveu de la raison », ni songer à faire tenir pour raisonnable la recherche de la certitude ailleurs qu’en la raison, » préoccupations qui relèveraient du scepticisme théologique ; mais la seconde pensée n’implique pas assurément la non-adhésion au scepticisme sans épithète : il ne faut que s’entendre sur le sens du mot vérité.

Avec M. Havet, M. Droz accepte le témoignage de Mme Périer, quant à l’origine des Pensées : « Pascal part de la foi » (p. 21) ; et le miracle de la Sainte Épine, voilà pour les circonstances. — Rien qui indique, sans doute, que Pascal dût procéder, ou à peu près, de la façon que procéda l’évêque d’Avranches.

M. Droz définit, mieux assurément que ne l’ont fait nombre de théistes et de déistes, le mot conversion appliqué à Pascal : Pascal était chrétien avant de se convertir, il ne s’est pas converti au christianisme. Qu’après son acquisition d’une foi vivante, en quoi a consisté sa conversion, Pascal