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ANALYSES.novicow. La politique internationale.

n’ait jamais eu d’hésitations, qu’il n’y ait pas eu, pour lui, après des jours d’enthousiasme, des jours d’abattement, cela n’est pas contestable, quoi qu’en pense M. Droz, mais ces sortes d’hésitations n’ont rien à faire avec le scepticisme. Chrétien avant sa conversion et chrétien après, Pascal a-t-il accepté les dogmes comme dogmes ? c’est une autre question. Aux pages 184, 185, et à quelques autres, M. Droz semble deviner quelque peu que quelque chose comme le scepticisme pourrait bien se trouver au fond du christianisme ; mais non : l’idée de la croyance procédant du seul besoin de croire lui échappe ; il distingue (p. 65 et 66), entre connaître et croire, et, dans sa psychologie de la croyance, il ne fait pas de place à la liberté de l’esprit pour la suspension du jugement. De fait, M. Droz ne veut savoir qu’une façon d’être chrétien et la façon qu’il veut savoir n’était pas celle de Pascal.

Le « milieu » répugnait au scepticisme, déclare M. Droz ; c’est M. de Saci qui goûtait peu les badinages de Montaigne et qui n’a pas pu ne pas apprendre à Pascal que saint Augustin avait écrit contre les sceptiques ; c’est M. Singlin, qui, sur toutes choses, devait penser comme M. de Saci ; c’est Arnauld et Nicole, les grands ennemis du scepticisme, M. Cousin l’a établi ; c’est Port-Royal tout entier, et Port-Royal avait connu « le sujet et la matière de l’ouvrage, aussi « les raisons et les principes », c’est-à-dire la méthode, et il a publié les « fragments » de l’Apologie : une direction, des influences, des conseils, une approbation après coup, autant de preuves indirectes », qui ne sont pas dépourvues de valeur : Pascal n’a pas usé de la méthode sceptique. — La valeur de ces preuves ? Mais M. Droz lui-même reconnaît qu’il y a une histoire de l’édition de Port-Royal, que Pascal a parfois contredit Arnauld, que M. Singlin, que M. de Saci, étaient, non pas des docteurs, mais des pénitents ; et il a écrit cette phrase : « Ni dans M. de Saint-Cyran, ni dans Jansénius, Pascal ne put rien trouver qui lui interdit l’emploi de la méthode sceptique, si ce n’est qu’il y trouva condamné l’emploi de toute méthode philosophique. » N’eût-il pas mieux fait de s’y tenir ?

Au ch.  II, M. Droz affirme que, chrétien, Pascal eut la soumission exigée par l’Église ( ?) ; il ajoute que, homme, il ne put fuir l’homme qu’il était, et que ce qui lui était une habitude, à savoir : regarder moins au fond des choses qu’aux procédés à employer pour leur démonstration, devait lui devenir un devoir dans son Apologie. Il cite des passages de l’Esprit géométrique ; il cite quelques articles des Pensées. — Mais quoi ! les deux fragments de l’Esprit géométrique ne seraient que des discours sur des méthodes ? et les articles qui sont rapportés montreraient bien que Pascal, « incapable d’ailleurs de prouver ce qu’on peut appeler l’esprit de système ou d’invention », était seulement attaché aux moyens de faire entendre la vérité ? Sa terminologie, M. Droz la méconnaît en grande partie (p. 106 à 108, p. 167) ; il définit bien le mot raison selon Pascal ; mais il définit mal le mot cœur, aussi celui de volonté ; il ne voit pas que le cœur, c’est peut-être bien la raison, mais la raison dont les données sont objets de croyance, la certitude n’étant qu’une ferme