sans qu’il en ait conscience : un jugement inconscient est toute autre chose qu’une association latente.
Le problème ainsi ramené à des termes qui me paraissaient plus simples, j’ai essayé avant tout de vérifier la réalité du fait en question. Le sujet dont je m’occupais me présentait bien des exemples d’associations latentes ; la manière même dont je l’endormais en levant le bras en était un excellent. Je l’interrogeai un jour à l’état de veille pour voir si elle savait la façon dont je l’endormais ; elle l’ignorait absolument ; je lui parlai d’un signe, du bras levé : elle crut à une plaisanterie et cependant le bras levé l’endormit immédiatement. Eh bien ! pouvait-elle avoir de même des jugements inconscients et faire des comptes sans le savoir ?
L. étant en état de somnambulisme constaté, je lui dis du ton de la suggestion : « Quand j’aurai frappé douze coups dans mes mains, vous vous rendormirez. » Ainsi que nous l’avons déjà constaté ce commandement ne parut pas entrer dans sa conscience. Au réveil l’oubli était complet ; il aurait été singulier d’ailleurs qu’elle eût conservé au réveil le souvenir d’une chose qui n’avait pas été consciente pendant le somnambulisme. Cet oubli, chose importante ici, m’était garanti, d’abord par l’état de sommeil précédent qui était un véritable sommeil hypnotique avec tous les signes caractéristiques ; par l’accord de tous ceux qui se sont occupés de ces questions et qui ont tous constaté l’oubli au réveil de semblables suggestions ; enfin par la suite de toutes les expériences précédentes où j’avais vu cette inconscience se former peu à peu. D’autres personnes entourèrent L. et lui parlèrent de différentes choses ; cependant, retiré à quelques pas, je frappai dans mes mains cinq coups assez espacés et assez faibles. Remarquant alors que le sujet ne faisait aucune attention à moi et parlait vivement, je m’approchai et lui dis : « Avez-vous entendu ce que je viens de faire ? — Quoi donc, je ne faisais pas attention. — Et cela ? (je frappe dans mes mains). — Vous venez de frapper dans vos mains. — Combien de fois ? — Une seule. » Je me retire et continue à frapper un coup plus faible de temps en temps ; L, distraite, ne m’écoute plus. Quand j’ai ainsi frappé 6 coups qui, avec les précédents, faisaient 12, L s’arrête immédiatement, ferme les yeux et tombe en arrière endormie. « Pourquoi dormez-vous ? lui dis-je. — Je n’en sais rien, cela m’est venu tout d’un coup. » Si je ne me trompe, c’est là l’expérience de MM. Richet et Bernheim, mais réduite à une plus grande simplicité. La somnambule avait aussi dû compter, mais au lieu de compter des jours, ce qui faisait croire à une mesure du temps, elle avait compté des bruits. Il n’y avait aucune faculté nouvelle, car tous les coups étaient faciles à entendre, quoiqu’elle pré-
