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JANET.actes inconscients, etc.

nomènes de conscience. L. étant en catalepsie ne me répondait absolument rien ou quelquefois répétait les paroles en écho ; je m’adresse à Adrienne et lui commande de prendre un crayon ; elle le fait et cependant tout le corps reste en catalepsie. Je prends la main gauche et je lui serre le poing ; immédiatement sa figure prend une expression de colère et le bras gauche lance des coups de poing. « Adrienne, que faites-vous donc ? — (Le bras droit écrit sans que l’expression du corps se modifie). Je suis furieuse. — Contre qui ? — Contre F. — Pourquoi ? — Je n’en sais rien… mais je suis colère. » Je prends la main gauche, je la desserre et la porte aux lèvres, elle envoie des baisers et le visage sourit : « Adrienne, êtes-vous encore en colère ? — Non, c’est passé. — Et maintenant ? — Oh, je suis contente. — Et L. — Elle n’en sait rien, elle dort. » Je crie bonjour, la bouche répond en écho : bonjour. « Adrienne, que venez-vous de dire ? — Bonjour. — L. le sait-elle ? — Non, puisqu’elle ne sait rien. »

4o L. était aussi susceptible de léthargie, beaucoup plus rare, il est vrai, et moins nette que les états précédents ; on ne pouvait guère la provoquer artificiellement ; L. y tombait spontanément au milieu du somnambulisme. Cet état débutait par une contracture générale qui se dissipait d’elle-même, le sujet restait dans un état de sommeil profond avec résolution musculaire. Les muscles gardaient une certaine hyperexcitabilité tantôt très forte, la pression provoquant la contracture, tantôt faible, la pression ne provoquant qu’une contraction passagère du muscle touché. Dans cet état, je savais depuis longtemps que L. ne bougeait pas et ne paraissait pas entendre. Un jour, je parlai à Adrienne pendant cette léthargie : « Adrienne, serrez-moi la main. » Elle le fit. « Écrivez. Entendez-vous ? — Oui. — Levez-vous. — La force me manque. » Elle répondit encore quelques monosyllables, et la léthargie se dissipa.

Il me restait beaucoup d’expériences et d’études à faire sur cette question si intéressante et sur cette personnalité créée pour ainsi dire expérimentalement, quand un incident fort heureux pour la malade vint tout interrompre. Il était tout naturel de faire servir la domination que j’avais acquise sur L. à son propre intérêt et à sa guérison, et peu à peu par des commandements précis, répétés pendant le somnambulisme, j’avais fait disparaître les symptômes les plus graves de l’hystérie, les maux de tête, les convulsions, les points hystérogènes, etc. La maladie diminuait de jour en jour, mais à mon grand étonnement le sommeil hypnotique diminua en même temps. La léthargie et la catalepsie disparurent ; les suggestions devinrent de moins en moins nettes. L. commença de nouveau à les entendre, puis à répondre « oui » comme au début, puis à les discuter.