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primitifs. Vers les sources de la Brahmani, au nord de la Mahanuddi, vivent les Douangs, Djungalès ou « gens de la jungle » qui se disent eux-mêmes les plus anciens des hommes, et sont absolument sauvages.

Nous venons de parler de la langue kohlarienne. Hâtons-nous d’ajouter que les langues ne peuvent pas plus dans l’Inde qu’ailleurs servir à la délimitation des races ; le peuple qui parle le plus pur idiome kohlarien n’est point un peuple autochthone ; c’est le groupe des Sontals très fortement imprégné par l’élément jaune. Quant aux langues dravidiennes, elles dominent dans le sud, et pourtant ce n’est pas là qu’il faut chercher les plus nombreux représentants de la race asiatique orientale qui les importa dans l’Inde. Enfin, nous avons vu que, tandis que les idiomes d’origine aryenne sont de beaucoup les plus répandus, les peuples qui peuvent se glorifier d’avoir pour ancêtres les Aryens sont de beaucoup les moins nombreux.

Lorsque la race blanche, que nous désignons sous le nom de race aryenne, pénétra à son tour dans l’Inde, elle eut à combattre, non plus des populations sauvages, timides et à peine armées, mais les puissants États, fortement organisés, qu’avaient fondés les Touraniens. Elle soumit d’abord ceux du bassin de l’Indus, et y demeura longtemps avant de se hasarder dans l’ouest ou le sud de la péninsule.

Quinze siècles avant Jésus-Christ, les Aryens n’avaient pas encore dépassé la région protégée par les monts Vindhya. Ils avaient imposé leur joug aux Touraniens du nord, pour lequel ils créèrent une troisième caste, celle des Vaïsyas, qui vient après celles des Brahmanes et des Kchatryas, tandis que les indigènes entraient tous dans une quatrième caste inférieure, celle des Soudras.

Ce fut quinze siècles environ avant Jésus-Christ que les Aryens entreprirent la grande expédition qui fait le sujet de Ramayana, l’Iliade hindoue. Ils pénétrèrent dans le Dekkan, sous la conduite de leur chef Rama. Après mille exploits, ils arrivèrent à l’extrémité même de la péninsule, et forcèrent jusqu’aux habitants de Ceylan à reconnaître leurs lois.

Les héroïques récits du Ramayana racontent que les Aryens eurent à combattre des géants formidables qui renversèrent avec l’aide des singes les trônes des puissants et magnifiques monarques des Nagas ou adorateurs de serpents. Il faut voir sans doute dans ces Nagas les premiers conquérants touraniens qui avaient établi dans le sud de l’Inde de brillants empires, et qui s’adonnaient en effet, avec les anciennes populations dravidiennes dont ils étaient les maîtres, au