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En outre, M. Legrain me paraît s’être écarté de la doctrine clinique de M. Magnan en ce qui concerne les délires chroniques. Il parle de délires d’évolution chronique chez les dégénérés. M. Magnan n’admet pour ces irréguliers que des délires systématisés stationnaires ou polymorphes, mais n’accusant jamais cette évolution régulière et sans rétrogradation possible de la persécution à l’ambition. Enfin M. Legrain est plus systématique que son maître quand il dit que le délire chronique régulier a toujours pour fondement essentiel une hallucination primitive. M. Magnan admet, au contraire, que le point de départ du délire chronique peut être une simple idée délirante et que le délire peut évoluer sans le secours des hallucinations. Mais il est bien d’accord avec M. Legrain pour reconnaître que ce délire s’accompagne d’hallucinations plus fréquemment que tout autre.

Ce ne sont là, en définitive, que des critiques de détail, et, dans leur ensemble, les deux mémoires si instructifs de MM. Saury et Legrain sont bien conformes à la doctrine de l’école clinique qui a eu pour fondateur Fairet père et qui a pour principal représentant, aujourd’hui, le docteur V. Magnan.

Adolphe Coste.

Guillaume De Greef.Introduction a la sociologie. 1re Partie. Paris et Bruxelles, 233 pages in-8o, Mayolez.

Existe-t-il une science sociale ? Telle est la question, souvent agitée, que M. De Greef essaye de résoudre dans son livre.

Comte l’a le premier posée et traitée. Mais il n’en a pas vu clairement les données. Il s’est contenté de démontrer la nécessité et l’opportunité d’une science sociale. D’après lui, l’état actuel des sociétés est caractérisé par une anarchie profonde, mais transitoire, qui rend nécessaire la constitution de cette science, afin d’arrêter et comprimer cette fatale tendance à la dissolution. Mais de ce qu’elle est désirable, il ne s’ensuit pas qu’elle soit possible ni qu’elle ait le droit de prendre place à côté des autres sciences positives. Comte complète, il est vrai, sa démonstration en rappelant les travaux antérieurs qui ont préparé l’avènement de la science sociale. Mais cet exposé est aussi injuste qu’incomplet ; car il omet les deux facteurs les plus essentiels des progrès qu’a faits la sociologie, à savoir le mouvement économique et le mouvement socialiste.

Spencer a repris le problème dans son Introduction à la science sociale et l’a serré de plus près. Il a bien compris que le seul moyen de légitimer la science sociale était de prouver qu’elle avait pour objet des phénomènes distincts de ceux qu’étudient les autres sciences. Or voici d’après lui quel serait cet objet. Le caractère de tout agrégat est déterminé par celui des unités qui le composent. Cette vérité s’applique aux sociétés comme aux autres êtres. L’agrégat social présente