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ANALYSES.g. de greef. Introduction à la sociologie.

donc une série de propriétés déterminée par la série des propriétés de ses parties. Ce sont les relations entre ces deux séries qui constituent l’objet de la science sociale.

Mais, fait très justement remarquer M. de Greef, s’il en était vraiment ainsi, il s’ensuivrait tout simplement que la sociologie n’a pas droit à une existence indépendante. Car si les propriétés de l’organisme social dérivent des propriétés de l’organisme individuel, les premières se ramènent aux secondes et la sociologie à la biologie et à la psychologie. La vie collective ne présente plus rien de nouveau qui la distingue de toute autre chose ; mais elle n’est plus qu’une amplification de la vie individuelle. Et en effet, quelques réserves que fasse M. Spencer, on ne trouvera guère signalées dans ses Principes de sociologie que les analogies, très réelles d’ailleurs, qu’il y a entre les sociétés et les êtres vivants. On n’y trouve ni un fait ni une loi qui soit spécial à la sociologie proprement dite. Celle-ci, telle que la présente M. Spencer, semble n’être qu’une biologie transformée.

Mais généraliser une science n’est pas l’expliquer. On ne peut rendre compte de faits spéciaux qu’au moyen de lois spéciales. C’est une tendance erronée de l’esprit philosophique que de faire ainsi rentrer tout dans tout, en effaçant artificiellement les différences et en confondant les contraires. Pour que la sociologie ait le droit d’être, il ne suffit pas qu’elle ressemble aux sciences antérieures et y puisse être ramenée. Tout au contraire elle ne peut exister que si elle s’en distingue. Pour qu’il y ait une science sociale positive, il faut que les faits sociaux présentent un signe particulier qui les rende irréductibles à tous les autres. Le problème que nous avons posé en commençant se transforme donc et peut se formuler en ces termes : Quels sont les caractères distinctifs des faits sociologiques ?

Mais si, par son point culminant, la sociologie s’élève au-dessus des autres sciences, elle ne laisse pas d’y plonger par ses racines. Pour mieux comprendre par où elle s’en sépare, voyons par où elle s’y rattache et comment elle s’en dégage.

« Le corps social est une véritable surcroissance du cosmos en général… Il naît de l’union opérée entre le monde inorganique et le monde organique » (page 47). Il se rattache au premier par le territoire, au second par la population. N’est-il pas évident en effet que l’évolution des sociétés dépend du milieu physique où elles sont placées ? La sociologie devra commencer par l’étude des conditions géométriques, numériques, astronomiques, physiques et chimiques, au milieu desquelles la population du globe en général ou chaque groupe particulier se meut nécessairement. Par là elle se rattache à la météorologie, à la climatologie, à la géographie, à la géologie, à la minéralogie, l’orologie, l’hydrographie. L’étude du second facteur, c’est-à-dire des influences physiologiques et psychologiques, suivra naturellement. Il est certain en effet que la nature de l’organisme social a ses conditions dernières dans la nature de l’organisme individuel. C’est dans les lois de la bio-