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variétés

désigner ce qui est plus grave et hyper pour ce qui est plus aigu[1]. » L’emploi dans le sens moderne des mots hypo et hyper n’était donc qu’une exception.

Voici, d’après Bacchius le Vieux, le tableau des anciennes octaves, du grave à l’aigu[2] : mixolydienne, lydiennne, phrygienne, dorienne, hypolydienne, hypophrygienne, hypodorienne.

Les notes vocales, si malheureusement différentes des notes instrumentales, sont les 24 lettres de l’alphabet grec usuel employées tantôt droites, tantôt modifiées et se succédant dans leur ordre alphabétique de l’aigu au grave[3].

Aristoxène, d’après le grammairien Didyme, rangeait les instruments à vent connus sous le nom d’auloi en cinq classes : 1o les parthéniens ou flûtes virginales (παρθένιοι) ; 2o les enfantins (παιδικοί) ; 3o les citharistériens (κιθαριστήριου) ; 4o les parfaits (τελεῖοι) ; 5o les plus-que-parfait (ὑπερτελεῖοι) ; or Aristoxène, suivant la remarque de Gevaert[4], nous apprend que les plus aigus parmi les instruments à vent étaient les auloi parthéniens ; il débute donc par les plus aigus, nouvel indice que théoriquement les Grecs procédaient ordinairement de l’aigu au grave.

III. Comment ont-ils pu oublier à ce point l’association subjective à nous familière et non étrangère à eux ? Il nous faut remonter à l’origine même de leur principal système musical, le système parfait (τέλειον).

On sait que cette origine est la lyre octocorde, et il est bien connu qu’avant de désigner les différents sons de l’échelle musicale, les termes techniques s’appliquaient aux cordes : l’exécutant tenait l’instrument sur le genou ou entre les bras, les cordes graves à gauche, les cordes aiguës à droite.

C’est pour cette disposition et non, comme le dit Nicomaque[5], « par analogie avec le mouvement de la planète Saturne, le plus élevé et par conséquent le plus éloigné de nous, que le son le plus grave de l’octocorde a été appelé hypate, car ὕπατον veut dire supérieur ». Ce n’est point également « par analogie avec le mouvement de la lune, le plus bas et le plus rapproché de la terre, que le son le plus aigu a reçu le nom de nète, en effet νέατον signifie le plus bas ». La raison de ces dénominations : hypate et nete, est purement physiologique. Des expériences récentes prouvent que le temps d’exécution d’un mouvement, comme le tracé d’un chiffre, est plus petit pour la main droite que pour la main gauche[6]. Supposons un objet, une corde, par exemple,

  1. Τῶ μὲν ὑπὸ καταχρησάμενοι πρὸς τὴν ἐπὶ τὸ βαρύτερον ἔνδειξιν· τῶ δὲ ὑπὲρ πρὸς τὴν ἐπὶ τὸ ὀξυτερον (liv.  II, ch.  x).
  2. Tiron, Études sur la musique grecque, p. 209.
  3. Gevaert, Musique de l’Antiquité, t.  I, p. 406.
  4. Gevaert, Musique de l’Antiquité, t. II, p. 272.
  5. P. 6 (éd. Meibom).
  6. Voici les moyennes de temps de tracé des chiffres 1, 2, 3 pour la main droite : 0,318 ; 0,343 ; 0,426 ; pour la main gauche : 0,410 ; 0,507 ; 0,689. Voir Buccola, La legge del tempo nei fenomeni del pensiero, Milan, 1883, p. 421.