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ANALYSES.max müller. Science de la pensée.

hypothèses adoptées, est surtout une étude de psychologie expérimentale. Ce n’est pas qu’il faille expliquer tous les phénomènes par un seul fait psychologique, le fait de la suggestion ; l’explication par ce mot est devenue aujourd’hui aussi facile et aussi banale que l’ancienne explication par la simulation. Mais il y a un grand nombre de lois et de faits psychologiqnes qui interviennent et qui modifient assez les phénomènes, quand ils ne les produisent pas, pour que l’on doive toujours en tenir le plus grand compte. Une observation de magnétisme ne me paraît donc pas suffisante, lorsque l’état psychologique du sujet dans ses différentes conditions n’est pas indiqué avec précision. L’individu a-t-il des sens hyperexcités, a-t-il une mémoire tenace pendant le somnambulisme, a-t-il des actes inconscients, ou une intelligence en apparence dédoublée, jusqu’à quel degré est-il suggestible, exécute-t-il les suggestions qu’il se fait à lui-même, etc. ? Comment juger qu’un acte, une contracture ou une anesthésie doit s’expliquer physiquement et n’a pas une origine psychique si l’on ne sait pas tout cela. Eh bien, dans cet ouvrage de 600 pages, il y a à peine quelques allusions et quelques lignes sur ces faits psychologiques. Cependant certaines observations délicates sur les caractères et leurs changements, montrent que l’auteur était capable de décrire avec précision ces phénomènes de conscience.

Ces lacunes me semblent regrettables, car elles font naître trop de doutes dans l’esprit du lecteur, et si je me suis permis d’y insister c’est que je le regrette particulièrement. Les théories de M. Baréty et de ceux qui s’occupent comme lui des phénomènes de polarité, doivent contenir beaucoup de vérité, et un livre comme celui-ci aura toujours un résultat, c’est de réveiller l’attention sur des phénomènes importants du magnétisme qu’on était trop disposé à négliger.

Pierre Janet.

F. Max Müller.The science of thought, xxiv-664 pp.. London, Longmans, Green and Co, 1887.

Ce titre, la Science de la pensée, pourrait faire croire à une étude de la pensée dans le sens où l’on prend ordinairement le mot pensée. Il s’agit en réalité de quelque chose d’un peu différent. « Mon système, dit M. Müller, se propose de déterminer l’origine et la vraie nature des noms ». (Préface.) Le titre pourrait donc aussi bien, sinon mieux, être : La science des noms.

L’ouvrage contient 10 chapitres, plus un appendice. Le ch. I traite des Elements constituants de la pensée. Par pensée, l’auteur entend ici « l’acte de penser, et par penser je n’entends rien de plus que combiner ». « Hobbes exprimait il y a longtemps la même vérité lorsqu’il disait que tout notre penser consiste à additionner et soustraire. » On peut dans notre connaissance distinguer quatre éléments, inséparables en fait, quoique en théorie on puisse admettre la possibilité de leur séparation. Ce sont : les Sensations (Empfindungen), les Percepts (Vorstellungen), les Concepts (Begriffe) et les Noms (Namen). Aucun mot