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l’identité ou de la diversité des formes sous lesquelles nos différents sens nous présentent l’espace.

La théorie que professe M. Wundt au sujet de la formation de l’idée de l’espace, et celle que nous adoptons, c’est, disons-nous, que, dans le sensorium de chaque homme, les sensations proprement lumineuses de la vue se combinent et fusionnent en quelque manière avec les sensations musculaires de l’œil, pour constituer des sensations d’étendue colorée ; et que de même les sensations proprement tactiles de résistance se combinent avec les sensations musculaires des doigts, des bras, ou des autres organes locomoteurs, pour constituer des sensations d’étendue tactile. Dans cette fusion qui s’opère de part et d’autre, l’importance des éléments combinés n’est pas la même. Quoique ce soit là une idée fausse, absolument parlant, on peut ici, pour aider l’imagination et donner plus de clarté à la discussion, considérer les sensations lumineuses comme formées par des masses de points lumineux inétendus, qui, en se composant les uns avec les autres, nous donneraient la sensation de l’étendue colorée, et de même les sensations tactiles comme formées par des masses de points résistants, qui, en se composant d’une certaine manière dans notre sensorium, nous donneraient la sensation de l’étendue résistante. Les sensations de couleur et de résistance, d’après cela, joueraient dans la sensation plus complexe de l’étendue visuelle ou tactile, une sorte de rôle passif, le rôle d’une matière susceptible de recevoir une forme. Cette forme, ce seraient les sensations musculaires de l’œil et des organes locomoteurs qui la leur donneraient. Ainsi les points colorés d’un côté, les points résistants de l’autre, seraient composés respectivement sous l’influence des sensations musculaires de l’œil et des organes locomoteurs, et donneraient lieu par là à la sensation d’étendue. La question est maintenant de savoir si deux formes d’étendue, ou une seule, doivent résulter de ce double travail de composition des sensations proprement visuelles et tactiles par les sensations musculaires. Pour les premières, quelque différentes et même quelque irréductibles, à notre avis, que soient une couleur et une résistance, il y a peu de chose à dire : des points lumineux et des points tactiles doivent, à ce qu’il semble, donner lieu à une seule et même forme d’espace, s’ils sont composés de la même manière. Au contraire les sensations musculaires de l’œil et des organes locomoteurs sont ici grandement à considérer, puisque ce sont ces sensations qui donnent lieu à la composition des points lumineux ou tactiles en forme d’espace. Comment décider si ces deux séries de sensations musculaires donnent lieu à deux modes de composition des points lumineux et des points tactiles, ou bien à un