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pensée continuelle de connaître l’origine, le pourquoi et le comment du cours forcé des billets de banque….. Cette pensée retenait son attention tendue à chaque instant, l’empêchait de s’occuper de toute autre chose, s’interposait entre le monde extérieur et lui, et, quelques efforts qu’il fit pour s’en débarrasser, il lui était impossible d’y parvenir. S’estimant incapable, malgré de longues réflexions et de multiples recherches tentées pour résoudre ce problème, de se livrer à tout autre travail mental, il tomba dans un tel état de tristesse et d’apathie qu’il voulut interrompre le cours de ses études….. Son sommeil était incomplet et interrompu ; souvent il passait des nuits éveillé, toujours absorbé dans son idée dominante. Il faut noter dans ce cas un phénomène très singulier par suite de la tension continuelle de son esprit sur le problème des billets de banque et du cours forcé, il finit par avoir toujours devant les yeux l’image des billets eux-mêmes, avec toutes leurs variétés de forme, de grandeur et de couleur. L’idée avec ses incessantes répétitions, et son intensité, en vint à avoir une force de projection qui l’égalait à la réalité. Mais lui, il avait toujours pleine conscience que ses images qui étaient devant ses yeux n’étaient qu’un jeu de son imagination. » Une médication appropriée et quelques explications très lucides données par un professeur améliorèrent sa situation. « Le voile qui couvrait son esprit, après avoir été enlevé pour ce qui concernait les grands billets de banque, persista encore pour les petites valeurs, comme celle de cinquante centimes dont l’image continuait à lui apparaître. Puis finalement tous les troubles disparurent.

Quelquefois l’idée fixe consiste dans l’obsession de noms à retrouver — noms d’indifférents ou d’inconnus (onomatomie) ; mais le sentiment d’angoisse qui l’accompagne ordinairement, doit la faire rapporter de préférence à notre deuxième catégorie.

On dira peut-être : « Ces gens-là et leurs semblables sont des fous. » Assurément ce ne sont pas des esprits sains, mais l’épithète de fous est imméritée. Ils sont débilités, déséquilibrés. La coordination mentale, fragile et instable, cède au moindre choc ; mais c’est une perte d’équilibre, non une chute. Les auteurs qui ont recherché les causes déterminantes des idées fixes, arrivent tous à la même conclusion : C’est un symptôme de dégénérescence. On pourrait dire : N’a pas des idées fixes qui veut. Il y a une condition primordiale qui est requise : une constitution névropathique. Elle peut être héréditaire ; elle peut être acquise. Les uns sont issus de parents à qui ils doivent le triste legs d’un organisme dégénéré. Ce sont, de beaucoup, les plus nombreux. Les autres ont été épuisés par les circonstances de la vie : fatigue physique ou intellectuelle, émotions,