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TH. RIBOT.les états morbides de l’attention

passent. Telle serait la condition dernière de l’attention. Je m’en tiens pour le moment à cette simple suggestion.

Je ne dirai qu’un mot de l’attention pendant le sommeil qui, d’après la théorie généralement admise, est aussi un état d’épuisement. Le mécanisme de l’association a son libre jeu dans les rêves, mais souvent un état prédomine, devient un centre momentané d’attraction, produit un arrêt comme dans la forme spontanée de l’attention.

Pour le somnambulisme naturel et plus encore pour l’hypnotisme la question est loin d’être élucidée. Braid qui, le premier, a débarrassé le somnambulisme provoqué du merveilleux qui l’entourait, réduit toute la psychologie de ce phénomène à une « concentration de l’attention » : ce qui a été soutenu avec quelques variantes par Carpenter, Heidenhain, Schneider et surtout Beard (de New-York). Pour ce dernier c’est « un trouble fonctionnel du système nerveux, dans lequel l’activité est concentrée dans une région limitée du cerveau, le reste étant inactif, ce qui produit la perte de la volition ». D’après sa comparaison favorite, l’écorce cérébrale ressemble à un lustre éclairé au gaz, à becs nombreux. Quand tous sont allumés, c’est la veille ; quand tous sont resserrés sans être complètement éteints, c’est le sommeil ; quand tous sont éteints sauf un seul qui brille de tout son éclat et consume tout le gaz, c’est l’hypnose avec ses divers degrés. — Cette théorie de « l’attention concentrée » a subi plus d’une critique[1] et paraît difficilement applicable à tous les cas. L’hypnotisme produit chez des poules et des écrevisses par le P. Kircher, Czermak, Preyer peut-il être attribué à une concentration anormale de l’attention ? Il est certain que l’hypnotisé est bien préparé au monoidéisme ; mais cet état artificiellement produit par suggestion est-il assimilable à l’attention ? Ne se rapproche-t-il pas plutôt de l’idée fixe ?

IV

L’idiotie a des degrés, de la nullité complète de l’intelligence jusqu’à la simple faiblesse d’esprit, selon le point où s’est produit l’arrêt de développement. Quelques imbéciles ont même un talent particulier (pour les arts mécaniques, le dessin, la musique, le calcul) qui tranche d’autant plus qu’il est entouré par le vide. On a comparé ces facultés isolées aux instincts des animaux.

  1. Pour les critiques, consulter Stanley Hall dans Mind, avril 1885, et Gurney, ibid., octobre 1881.