Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXV, 1888.djvu/204

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
194
revue philosophique

sur le second point, il est d’avis que l’application de la mathématique est bornée à ce qui correspond physiquement ou physiologiquement à la sensation, en tant que celle-ci est considérée comme psychique. On sait que Fechner se place à ce dernier point de vue et qu’il prétend atteindre un élément en dehors du domaine physiologique.

Je partage trop au fond, sur le premier point, les opinions de M. Elsass pour critiquer sa brochure ; ses arguments diffèrent bien souvent de ceux que j’ai essayé de faire valoir ici même[1], mais son point de départ, ses principes fondamentaux se trouvent être de fait les mêmes que les miens. J’en suis peut-être d’autant plus libre pour faire remarquer que, même pour quiconque admettra ses conclusions, la question ne sera pas définitivement tranchée. S’il faut restreindre l’application de la mathématique à l’élément physiologique de la sensation, s’il ne faut plus parler, au sens propre, d’une formule psycho-physique, au moins peut-on demander que l’application mathématique soit faite dans le domaine restreint où elle est reconnue possible. Si les données expérimentales sont insuffisantes pour décider entre plusieurs formules contradictoires, au moins peut-on réclamer de nouvelles expériences, ne fût-ce que pour arriver à une loi simplement empirique.

M. Köhler est loin d’avoir pris une position aussi décidée que celle de M. Elsass ; il s’est surtout proposé de passer en revue les diverses formules proposées en regard de celles de Fechner et d’en examiner les diverses acceptions. Mais, tout d’abord, il pose la question de la possibilité de mesurer la sensation. Après avoir reconnu que les plus petites différences perceptibles apparaissent comme les unités qui servent à cette mesure, il se heurte à la question de savoir si ces unités peuvent être regardées comme égales, question qu’il résout affirmativement, en invoquant les résultats de la méthode des erreurs moyennes. La démonstration est loin d’être décisive et on peut objecter qu’au contraire la méthode des cas vrais ou faux, d’après les ingénieuses expériences de Peirce et Jastrow (voir Revue d’Avril 1886, p. 386), conduit à des résultats différents.

Quant aux formules de la loi psychophysique, M. Köhler les classe en deux catégories : la première comprend celles dont les auteurs supposent a priori l’existence d’une relation mathématique, la seconde celles par lesquelles on ne prétend que représenter empiriquement les phénomènes. Dans la première classe sont rangées les formules de Fechner, Wundt, Delbœuf, Bernstein, Brentano et Plateau ; dans la seconde, celles de Helmholtz, Langer et G.-E. Müller.

Les difficultés soulevées par les formules de Fechner découlent de ce qu’il regarde la sensation comme continue, tandis que la loi du seuil la suppose discontinue. Wundt (Grudzüge der physiologischen Psychologie, Leipzig, 1880) a distingué entre la sensation continue et l’aperception discontinue de la sensation. D’après lui, la formule psy-

  1. Critique de la loi de Weber, dans la Revue philosophique de janvier 1884.