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REVUE GÉNÉRALE.psychologie criminelle, etc.

Reymond sera surtout intéressant pour les philosophes, ceux du moins qui ont tant soit peu abordé le calcul infinitésimal. J’aurais donc désiré que M. Milhaud se fût aussi adressé aux philosophes et eût notamment cherché à leur indiquer quelques points de repère pour l’étude des deux thèses, idéaliste et empirique, que l’auteur expose successivement et avec chacune desquelles il prétend mettre d’accord la sienne propre. Quant aux conclusions mêmes de la préface de M. Milhaud, si justes qu’elles soient en thèse générale, peut-être laisseraient-elles cependant prise à quelques critiques.

Ainsi qu’il le remarque fort bien, il y a actuellement tendance, en mathématiques, à éliminer toute donnée expérimentale, toute intuition concrète, par suite à créer un pur formalisme grâce auquel les vérités deviennent absolument certaines, mais, cn même temps, entièrement subjectives. Il s’ensuit, dit-il, que toute application des mathématiques au concret repose sur un postulat, et qu’ainsi objectivés, les théorèmes n’ont plus qu’une valeur inductive ainsi que le soutient Stuart Mill.

Mais, envisagée ainsi, la question du problème de la connaissance est vraiment trop simplifiée. Il n’y a certainement pas un postulat unique pour l’application des mathématiques à la réalité ; il y a des postulats de divers ordres et même il y a souvent autre chose qu’un postulat, il y a une vérité expérimentale absolument certaine, d’où l’on peut donc déduire des conséquences ayant la même valeur, sans qu’il soit besoin d’avoir recours à l’induction. Dire qu’une vérité expérimentale ne peut être, en aucun cas, aussi précise qu’une vérité mathématique peut l’être, n’est pas une objection valable, car il suffit de pouvoir affirmer que, par exemple, telle grandeur concrète sera comprise entre telles limites, et cette affirmation peut être revêtue du caractère de l’absolue certitude.

Ces questions auraient donc besoin, à mon sens, d’une analyse exacte qui écarterait, sans doute, comme insuffisantes, les formules trop générales dont on s’est contenté jusqu’ici.

II. — La question de la représentation mathématique d’une loi répondant au problème plutôt posé que résolu par Weber, continue à s’agiter sans que la discussion paraisse près d’aboutir. Tant que, de fait, celle-ci sera menée par un athlète aussi retors et aussi sagace que Fechner, il sera bien difficile de la clore après l’avoir ramenée aux points essentiels.

M. Elsass essaie de le faire en examinant successivement :

1o Si les formules psychophysiques de Fechner sont mathématiquement et physiquement déduites des données expérimentales ;

2o Si en général une psychophysique dans le sens ? de Fechner est possible.

Les conclusions sont doublement négatives ; sur le premier point, il établit que de la loi de Weber on peut déduire plusieurs systèmes de formules également justifiées, et d’ailleurs contradictoires entre eux ;