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fonction de la complexité du phénomène et ce dernier caractère devient prépondérant, toutes choses restant égales d’ailleurs. Car, bien entendu, dès qu’il s’agit de décision et de choix, la volonté intervient et la volonté introduit dans le problème un facteur tout nouveau. À complexité représentative égale, un caractère faible hésitera plus longtemps qu’un caractère énergique. Et c’est une cause d’obscurité très regrettable dans les recherches de M. Romanes que ce mélange incessant du choix et par suite de la volonté, dans l’étude des phénomènes intellectuels.

Le développement graduel de la conscience commence, selon M. Romanes, avec les cœlentérés et s’achève avec les larves d’insectes et les annélides. Si nous consultons le tableau, nous voyons que le plaisir et la douleur ne commencent pas à poindre en même temps qu’elle, mais apparaissent à l’état rudimentaire deux degrés plus haut. Il semble pourtant que la conscience, contemporaine d’après le tableau lui-même de la sensation, soit par cela même contemporaine des phénomènes émotionnels. Et en effet nous lisons à la page 101 que la conscience a précisément pour fonction de fournir les incitations nécessaires à l’appétition vers les choses utiles, à la rétraction loin des choses nuisibles, c’est-à-dire qu’elle est « la condition nécessaire du plaisir et de la douleur. » « En réalité si nous y réfléchissons nous trouvons difficile ou impossible d’admettre l’existence d’une forme de conscience, si vague soit-elle, qui ne présente, à un état également rudimentaire, la faculté de préférer certains états à d’autres, c’est-à-dire de faire une distinction entre la tranquillité et le malaise vague, distinction qui, lorsqu’elle se présente à une conscience plus développée, se transforme en un contraste éclatant : plaisir et douleur. » Ainsi le contexte n’est pas d’accord sur ce point avec le tableau et le corrige heureusement. Maintenant le développement de la conscience s’arrête-t-il là ? Non certes et l’unité, le degré de concentration des états de conscience continue à marcher de pair avec leur degré de complexité jusqu’au point où l’être vivant, au lieu d’être un champ mal circonscrit d’états diffus, est un individu pour lui-même, puis une personne. La série des formes de conscience eût donc dû occuper tout le tableau et non une ligne courte limitée aux formes du début, depuis les cœlentérés jusqu’aux annélides. Entre l’idée qu’une fourmi ou une seiche a de son moi et celle que se font de leur personne un lion et un tigre, il y a une différence considérable et l’évolution de la connaissance que les animaux ont d’eux-mêmes est un objet d’étude aussi intéressant que l’évolution de la connaissance qu’ils ont des autres êtres : les deux évolutions sont très probablement parallèles dans toute leur étendue. Il y a de ce