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ESPINAS.l’évolution mentale chez les animaux

côté dans le tableau et dans le livre une bien regrettable lacune.

La sensation. — Ce chapitre est un des plus complets de l’ouvrage. L’auteur y a mis à contribution les travaux de Hæckel, « Essai sur l’origine et le développement des organes des sens », de Darwin sur les Vers de terre, de Lubbock sur les Abeilles et les Fourmis, de Grant Allen sur le Sens de la couleur et l’Esthétique physiologique, de Preyer sur le sens des couleurs, ceux de Young, ceux d’Helmholtz, etc. Il l’a enrichi en plus d’expériences personnelles extrêmement curieuses sur les organes des sens chez les méduses. Il eût pu cependant le compléter en signalant et en discutant la théorie de Boll et de Kuhne sur la nature de la sensation de la couleur ; en mettant à profit surtout les recherches originales de M. Forel sur les sensations des insectes[1].

À la sensation se rattachent étroitement le plaisir et la douleur. Ces phénomènes, le croirait-on ? ne figurent pas au tableau dans la colonne des Émotions ; ils sont inscrits avec l’Usage des outils, etc., dans une colonne qui est placée en face de l’autre côté et porte comme désignation générale : Produits du développement intellectuel. De même dans le livre, ce paragraphe sur les plaisirs et les douleurs est séparé par 250 pages du chapitre sur les émotions. Le sens de cette séparation nous échappe. Il doit y avoir là, entre M. Romanes et nous, quelque dissentiment profond sur le sens des termes. On ne peut s’empêcher, en présence de pareilles dissidences, de déplorer l’état de confusion où est encore le vocabulaire psychologique, confusion qui tient au désordre des notions mêmes. Bornons-nous, puisque, sur ce point, nous ne sommes pas assez près de l’auteur pour le critiquer utilement, à rappeler qu’il adopte sur le plaisir et la douleur la doctrine de Grant Allen, dont les lecteurs de la Revue ont peut-être parcouru le résumé et qui n’est qu’une application des principes généraux de l’évolution.

La mémoire et l’association des idées. — La sensation étant considérée comme la donnée première de l’activité mentale, la première faculté qui se dégage de ce fond commun est la mémoire, pouvoir de conserver et de renouveler les sensations. M. Romanes adopte sur l’origine de la mémoire la même hypothèse que M. Ribot ; tous les deux s’accordent à en placer la base physique dans l’aptitude des éléments nerveux affectés par un stimulus quelconque à conserver d’une manière plus ou moins durable la modification qu’ils en

  1. Mittheilungen der Münchener entomologischen Vereins, 1878. Ces observations remarquables ont été reproduites avec des additions importantes dans le Recueil de Zoologie suisse, 1er novembre 1886 et 31 mars 1887. M. Romanes n’a pu connaître que la première rédaction.