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RICHET.les réflexes psychiques

Donc, dans un mouvement réflexe simple, toutes conditions égales d’ailleurs dans l’irritabilité des conducteurs nerveux, des centres nerveux et des muscles, la réaction réflexe est directement proportionnelle à l’intensité de l’excitant.

Quand un corps étranger quelconque entre dans l’œil, nous fermons la paupière aussitôt, C’est un clignement réflexe, involontaire, dont la rapidité et la force sont proportionnelles à l’intensité de l’excitation. Plus la conjonctive est lésée, plus le clignement est irrésistible. Le clignement réflexe est proportionnel à l’intensité, c’est-à-dire à la quantité de l’excitation.

Mais il est d’autres actes réflexes où la quantité de l’excitation n’a presque pas d’influence : c’est la qualité de l’excitation qui détermine l’intensité et la forme de la réponse motrice réflexe. Ces réflexes, où la qualité de l’excitant est plus importante que sa quantité, sont dits réflexes psychiques.

En effet, pour comprendre comment la qualité de l’excitation agit plus que la quantité, il faut faire intervenir une certaine élaboration intellectuelle, une certaine connaissance de l’excitation, une adaptation de la forme du mouvement musculaire à la forme de l’excitation. Le phénomène n’est plus un phénomène brut, une vibration plus ou moins intense de la moelle selon l’intensité plus ou moins grande du choc extérieur qui produit la vibration nerveuse. Il y a quelque chose de plus, comme un perfectionnement de la mécanique nerveuse. C’est une appréciation de la qualité de la vibration, en un mot une connaissance de l’excitation.

Un réflexe psychique est donc un réflexe avec connaissance de l’excitation.

C’est à dessein que j’emploie le mot connaissance plutôt que le mot conscience. En effet, je ne puis, à mon grand regret, accepter l’opinion généralement adoptée sur la valeur du mot conscience, qui est pris par les divers auteurs dans un sens très différent. Il me semble qu’il y aurait avantage à n’employer ce mot de conscience que dans le cas spécial d’une perception nette.

La conscience peut être à tous les degrés assurément, depuis la vague notion de douleur ressentie par le lombric qu’on coupe en deux tronçons, jusqu’à la conscience de Spinoza et de Cuvier. Je ne prétends pas qu’au fond les deux phénomènes soient totalement différents. Mais il ne me paraît pas légitime de se servir du même mot. Je n’appellerai donc pas conscience les phénomènes confus, vagues, indistincts, informes, comme le sont sans doute les sentiments du lombric ou de l’astérie qu’on mutile ; et je ne me servirai du mot conscience que pour indiquer un phénomène de connais-