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P. JANET.actes inconscients dans le somnambulisme

lui-même, quelle que soit d’ailleurs l’origine de ces actes, et n’aborder qu’ensuite la description du somnambulisme provoqué. Nous chercherons ainsi dans le sommeil hypnotique non plus les origines, mais les conséquences des actes inconscients. Ce sera, croyons-nous, un moyen nouveau de démontrer ce que nous avons déjà indiqué, le rapport intime qui existe entre l’acte inconscient et le somnambulisme, et l’impossibilité de séparer l’un de l’autre deux phénomènes qui s’expliquent mutuellement.

I

Il serait trop difficile de donner maintenant une définition claire et générale d’un acte inconscient, il suffit pour les observer et les décrire de s’en tenir à cette notion banale : on entend par acte inconscient une action ayant tous les caractères d’un fait psychologique, sauf un, c’est qu’elle est toujours ignorée par la personne même qui l’exécute au moment même où elle l’exécute. Nous ne considérons donc pas comme acte inconscient l’action qu’une personne oublie immédiatement après l’avoir faite, mais qu’elle connaissait et décrivait pendant qu’elle l’accomplissait : cet acte manque de mémoire et non de conscience. Il est probable que ces deux altérations se rapprochent l’une de l’autre, mais nous croyons plus méthodique de ne considérer maintenant que les degrés extrêmes, les actes absolument inconscients, sans tenir compte des degrés intermédiaires entre ceux-ci et la conscience complète. Les actes de cette sorte peuvent cependant se présenter de deux manières : ou bien l’individu au moment où il exécute l’acte semble n’avoir aucune espèce de conscience ni de l’acte ni d’autre chose, il ne parle pas, n’exprime rien, et nous n’avons aucun moyen de savoir s’il a senti ou non ce qu’il faisait. Les choses se passent ainsi quelquefois après une crise d’épilepsie. Tantôt au contraire l’individu conserve la conscience claire de tous les autres phénomènes psychologiques, sauf d’un certain acte qu’il exécute sans le savoir. L’individu parle alors avec facilité, mais d’autre chose que de son action ; nous pouvons alors vérifier et il le peut lui-même qu’il ignore entièrement cette action que ses mains accomplissent. Cette seconde forme d’inconscience est peut-être la plus rare, mais elle est la plus nette, c’est elle que nous étudierons de préférence et qui nous servira peut-être à mieux comprendre les autres.

Les actes inconscients ainsi définis accomplis pendant la veille, sans interruption apparente de la conscience normale, peuvent se présenter dans plusieurs circonstances. Quoiqu’il y ait entre elles bien des ana-