Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXV, 1888.djvu/260

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
250
revue philosophique

bras droit sensible que par le bras gauche insensible, mais ne nous arrêtons pas à cette objection trop générale et trop vague qui porterait sur toute espèce d’expérimentation psychologique. C’est à l’observateur à prendre ses précautions et à mettre à l’épreuve la bonne foi du sujet dans une foule d’expériences préalables. La meilleure preuve de la réalité de ces faits nous semble être dans leur complication, dans le lien que les expériences ont les unes avec les autres le plus souvent le sujet ne comprend pas ce que l’on fait et il simulerait tout de travers.

Si la distraction précédente a produit une anesthésie momentanée du sens tactile et musculaire dans le bras droit, elle pourra produire d’autres anesthésies pour les autres sens. Voici d’abord une anesthésie visuelle obtenue par ce moyen. Quand les yeux de B. sont ouverts et que je ne me sers pas d’écran, il n’y a pas d’actes inconscients, le mouvement que je commence s’arrête de suite. Mais dès qu’on lui parle le bras gauche se relève de lui-même et reprend même devant les yeux la position que je voulais lui donner. Il avait enregistré l’ordre sans pouvoir l’exécuter, à la première occasion, c’est-à-dire à la première distraction de B., il se hâte de reprendre sa place.

La même distraction produira des anesthésies systématiques de l’ouïe, ce qui va augmenter énormément le nombre et la complexité des actes inconscients. B. ne présente pas comme d’autres sujets une véritable suggestibilité à l’état de veille ; si je m’adresse directement à elle et lui commande un mouvement, elle s’étonne, discute et n’obéit pas. Mais quand elle parle à d’autres personnes, je puis réussir à parler bas derrière elle sans qu’elle se retourne. Elle ne m’entend plus et c’est alors qu’elle exécute bien les commandements, mais qu’elle les exécute sans le savoir. Je lui dis tout bas de tirer sa montre, et les mains le font tout doucement ; je la fais marcher, je lui fais mettre ses gants et les retirer, je lui fais mettre les mains en prière, etc. Notons deux choses intéressantes dans la dernière expérience d’abord l’anesthésie visuelle qui accompagne l’anesthésie auditive, car elle ne voit pas ses mains jointes devant sa figure ; ensuite, ce qui est, je crois, fort rare, une expression d’extase religieuse qui envahit la physionomie pendant un moment, tandis que la bouche continue la conversation commencée. Il est à peine utile de rappeler que ces expériences peuvent produire des contractures ou des paralysies systématisées comme nous l’avons indiqué précédemment.

Les mêmes expériences réussissent de la même manière sur d’autres sujets : je n’indique que les particularités intéressantes. La sug-