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P. JANET.actes inconscients dans le somnambulisme

si on prend soin de les détruire avant la fin de la léthargie, ne sont remémorées dans aucun état. Cela n’a rien de surprenant, dira-t-on, car il s’agit là de phénomènes uniquement physiques qui n’ont plus rien de conscient. Cela est peut-être vrai, mais certaines observations me semblent prouver qu’un certain discernement intelligent persiste même pendant la léthargie : 1o Chez ce sujet l’électivité même persiste pendant la léthargie : moi seul je puis produire les contractures par choc des tendons et seul aussi je puis les défaire. 2o Pour défaire les contractures il n’est pas nécessaire, comme on l’a déjà remarqué, de frapper exactement les muscles antagonistes, il suffit de frapper les muscles au hasard pour que la contracture se résolve. 3o J’ai même remarqué que pour défaire une contracture du bras en flexion, il me suffisait de tirer doucement le bout des doigts. Il semble qu’il y ait encore quelque pensée capable de comprendre que je veux déplier le bras. Mais cette conscience léthargique, si elle existe, doit être bien faible, bien profondément cachée et je n’ai pas encore pu la mettre au jour.

Pour vérifier le rôle de Léonore dans les autres actes inconscients dont nous avons parlé, il reste une dernière expérience à faire. Donnons une suggestion à Léonore afin de voir de quelle manière elle sera accomplie. Si je lui commande un acte qui doit être fait de suite, elle obéit très docilement, mais accomplit tous les actes avec conscience. Il n’y a plus pendant le second somnambulisme d’actes exécutés inconsciemment. Cela d’ailleurs est assez naturel, puisque le sujet n’est plus anesthésique et qu’il ne peut plus être distrait. Léonore ne pouvant entendre que moi m’écoute toujours et n’est jamais distraite. Mais donnons une suggestion posthyptnotique, c’est-à-dire qui doive être exécutée après le réveil de Léonore : « Quand vous serez éveillée vous prendrez un foulard sur la table et vous le mettrez. » Le sujet est alors ramené au premier somnambulisme et Léontine reprend son bavardage accoutumé. Mais le corps se lève et es bras exécutent l’ordre donné tout à l’heure à Léonore. Celle-ci en effet est maintenant au deuxième plan ; elle agit inconsciemment ou subconsciemment. Si l’on provoque l’écriture automatique, la main écrira : « J’ai pris un foulard… vous me l’aviez dit », et signera « Léonore ». N’est-ce pas la vérification de ce qui avait été établi à propos des actes subconscients pendant le premier somnambulisme ?

Nous n’essayerons en aucune manière d’expliquer les phénomènes que nous venons de décrire aussi exactement que possible. Sans doute il est probable que beaucoup de ces faits trouveraient leur raison d’être dans les lois de la physiologie cérébrale. Mais cette