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B. PEREZ.l’art chez l’enfant

il avait eu peur d’abord, comme étant une image, car il cria joyeusement papa » en la montrant. À un âge plus avancé, mon fils appelait encore un carré une fenêtre ; un triangle, un toit ; un cercle, un anneau ; et quatre points, des petits oiseaux[1]. »

II

Un peu plus tard, vers l’âge de quatre ans, l’interprétation intellectuelle, et, par contre-coup, l’effet émotionnel des images, ont progressé beaucoup, tout en restant dans la sphère des conceptions et des sentiments les plus simples. Ce progrès a pourtant de quoi intéresser le psychologue, et peut-être un peu l’esthéticien. Nous ne pouvons ici qu’effleurer la question.

La curiosité et la sympathie combinant leurs influences, l’enfant est de bonne heure excité à chercher la signification des images. Il les interprète avec le cœur plutôt qu’avec l’intelligence. Il entre ainsi, rêveur et charmé, dans le monde des représentations, en même temps que dans celui des réalités. Il y découvre, un peu grâce aux réponses de son entourage, des scènes familières qui se passent entre les personnes et les bêtes de la maison. Les rideaux du lit offrent leurs complaisants dessins aux récits fantastiques.

L’enfant prend bientôt le pli d’associer partout des images réelles ou fictives aux diverses histoires qu’on lui raconte. Cela devient chez Hélène une heureuse et obsédante manie. Cette constance à poursuivre d’intéressantes fictions, à faire raconter des histoires touchantes aux dessins, et à figurer sur les cloisons et sur les murs les dessins des histoires, indique une certaine exaltation de la sensibilité. Je crois qu’on trouverait rarement chez des garçons de cinq ans, même élevés dans une demi-solitude, comme on élevait autrefois beaucoup de filles, une sensibilité à s’attendrir sur la pauvre Rachel, qui mourut en donnant le jour à Benjamin, à regarder en pleurant son image sur une carte à jouer. C’était le cas de la petite Hélène, âgée de cinq ans, à qui sa mère avait raconté cette touchante histoire.

Les petits garçons aussi aiment à retrouver des formes humaines ou animales dans les objets, dans les taches des murs ou des arbres, dans les nuages, dans la flamme et les braises du foyer. Mais je n’en sais pas un qui ait cherché dans ces dessins imaginaires des illustrations pour les histoires qui l’ont ému ou charmé. C’est pour eux un jeu dont ils s’amusent en passant. Cette susceptibilité d’émotion, très utile, à l’origine, pour nous faire sympathiser avec les réalités et avec

  1. L’Ame de l’enfant, p. 51.