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B. PEREZ.l’art chez l’enfant

Il les regarde pourtant quelquefois avec attention, bien qu’il ne connaisse pas les originaux ; il note, sans trop les admirer, les détails saillants du costume ; mais ce qu’il leur demande, en outre, ils ne peuvent pas le lui donner : c’est le mouvement, c’est la parole, c’est la vie. J’en ai vu qui éprouvaient plus que de l’étonnement, une sorte de gêne devant ces yeux qui les poursuivaient de leurs regards obstinés, et ces poses rigides, ces visages impassibles. D’ailleurs ils ne savent pas les regarder ; ils les voient de trop près ou de trop loin ; ils sont, comme les animaux les plus intelligents, incapables de dégager un abstrait de leurs impressions variées et contradictoires, pour se donner l’illusion de la réalité devant ces toiles plates et luisantes.

III

Nous venons de voir comment l’enfant interprète les images, comment il comprend la langue du dessin. Il est encore plus intéressant de savoir comment il l’apprend, et comment il la parle, guidé par sa propre faculté d’observation, et à peine dirigé par les modèles de rencontre qu’il copie avec un entrain peu favorable au travail de l’attention.

L’homme et l’animal, souvent associés l’un à l’autre, et quelques jouets ou objets familiers, voilà les premiers sujets de représentation pour l’enfant (entre trois et cinq ans). Mais il a une prédilection toute particulière pour l’homme. Dans ses premiers essais, il le distingue vite d’un animal. Tandis que le premier est caractérisé surtout par une tête carrée ou ronde (la tête humaine offre un peu ce double aspect) et deux longs filets de jambes, le second l’est surtout par le cylindre ou le rectangle qui représente son corps allongé et incliné sur ses pattes, celles-ci représentées par quatre lignes verticales. Tels sont l’homme et l’animal embryonnaires que crée l’enfant, de trois à cinq ans. Ajoutons que le facies de l’un et de l’autre sont souvent caractérisés par un, deux, trois ou quatre points, signifiant à volonté un œil, deux yeux, une bouche, un nez peut-être. L’intention n’est pas toujours bien marquée.

On ne sait pas si ce carré ou ce cercle grossièrement exécutés, que nous avons appelé une tête, ne représente pas en même temps le buste : l’un et l’autre, en effet, ne font qu’une masse indistincte, les bras compris, vus de loin, vus d’ensemble. L’enfant ne fait attention qu’au plus saillant ; c’est pour lui l’essentiel, et c’est suffisant pour caractériser l’homme et le distinguer de l’animal. Cependant