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B. PEREZ.l’art chez l’enfant

l’impression esthétique, qui n’ait ressenti quelquefois ce coup foudroyant de la beauté humaine, de la beauté supérieure à toutes les autres. Après le plaisir de considérer une belle action, il n’y en a pas de plus grand, de plus pur, et peut-être de plus universel que celui de contempler un beau visage.

La figure et la personne humaine, les animaux, sont les sujets de prédilection de l’enfant. Le paysage le laisse indifférent, ou le tente peu. C’est que le dessin du paysage suppose, avec la faculté d’abstraire les petites masses des grandes, et celle de concevoir graphiquement la perspective, la force synthétique et la délicatesse de vision, la finesse du trait. Un être vivant est d’une forme plus simple et plus limitée dans ses contours qu’un végétal et surtout qu’une vaste collection de végétaux. La traduction en est relativement facile, je dis la traduction par à peu près, dont se contente qui n’est pas capable de faire davantage, et qui n’a pas d’ailleurs beaucoup de patience à y dépenser. Elle supporte l’improvisation et l’ébauche. Aussi les artistes de l’âge préhistorique ont-ils commencé par graver des figures d’hommes et d’animaux. Les couleurs ne leur faisaient pourtant point défaut, à l’époque florissante du tatouage, pour reproduire la couleur des ensembles naturels.

Notez aussi que la forme plus grossière et plus saisissable à l’œil des vêtements qui couvrent le corps humain en simplifie considérablement la figuration linéaire. Aussi l’enfant, du moins jusqu’à la puberté, ne goûte point le nu, ni en dessin, ni même en peinture. Même alors qu’il sait poser une académie aux proportions harmonieuses, le costume lui paraît inhérent à la personne humaine. Il ne la trouverait pas complète sans cela. La vue du nu froisse d’ailleurs ce sentiment de la pudeur qui, grâce à l’éducation, s’est développé chez lui avec une si grande énergie. L’homme nu, c’est pour lui un cas d’exception, une étrangeté, une confusion ; ce n’est pas l’homme ordinaire, l’homme normal. Celui-ci est l’homme habillé, il est l’homme vrai, l’homme concret ; celui-là est en quelque façon l’homme abstrait. C’est ornée de vêtements qu’il a admiré la beauté humaine ; dans les contes et les romans écrits à son intention, le costume accapare un très grande partie de l’intérêt. L’enfant est réaliste à la façon des romantiques ; le vêtement est sa passion, sa fête. La théorie idéaliste de Diderot passe à côté de lui. « L’habit de nature, dit-il, c’est la peau ; plus on s’éloigne de ce vêtement, plus on pèche contre le goût. Les Grecs, si uniment vêtus, ne pouvaient même souffrir leurs vêtements dans les arts. Ce n’était pourtant qu’une ou deux pièces d’étoffe négligemment jetées sur le corps… Il n’y a point de tableau de grand maître qu’on ne dégradât en habillant les personnages ou en les coif-