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dans leurs desseins, qui savent coordonner leurs décisions en vue d’un but unique, sans se laisser distraire par aucun caprice, et les caractères versatiles, capricieux, qui commencent tout et ne finissent rien, ou qui dissipent leur activité dans les directions les plus diverses.

De même, en ce qui concerne la sensibilité (p. 48-51), il faut distinguer, outre le caractère heureux ou optimiste et le caractère malheureux ou pessimiste, le caractère froid ou indiffèrent. Optimisme, pessimisme, froideur, ces trois termes peuvent s’appliquer à la fois à nos plaisirs et à nos douleurs, aux plaisirs et aux douleurs d’autrui. De plus, on peut être, spécialement à l’égard d’autrui, ou bien froid, insensible, ou bien sympathique, au sens étymologique du mot, c’est-à-dire sensible aux joies et surtout aux douleurs de nos semblables (c’est le caractère sensible du xviiie siècle) ; la froideur n’implique pas nécessairement l’égoïsme dans la conduite, mais elle est l’élément sentimental de l’égoïsme ; à l’égard de soi-même, on peut être soit douillet, impressionnable, soit dur au mal, résistant, calme.

Le paragraphe relatif à l’intelligence (pp. 51-57), comparé aux deux précédents, est assez vide. C’est que l’intelligence, comme l’a bien vu M. Ribot (p. vii), n’est pas un élément constitutif du caractère ; celui-ci est essentiellement le mode individuel des sentiments et de la volonté. Pourtant on peut dire que toute intelligence a ses qualités spéciales, donc son caractère, lequel est parfois assez différent du caractère moral ou caractère proprement dit. Stendhal a marqué cette différence avec le tour paradoxal qui lui est habituel ; il dit quelque part : « Mon caractère fait l’effort pénible de suivre les maximes de l’esprit auquel le hasard l’a attelé » (Correspondance, t.  I. p. 250). Mais l’esprit et le caractère peuvent être naturellement d’accord, ou bien l’esprit exerce, sans aucun « effort pénible », une réelle influence sur le caractère.

En tant qu’intelligence, tout homme est esprit d’invention ou esprit d’assimilation ; l’esprit d’assimilation, l’esprit ouvert à la pensée d’autrui s’associe naturellement à la docilité et à la sympathie ; l’esprit d’invention, au contraire, entraîne volontiers l’entêtement et l’égoïsme.

Nous rencontrons là un exemple remarquable, bien que purement théorique, du groupement naturel des qualités. Si un caractère est un ensemble de qualités reliées par une loi secrète, un caractère sera constitué par une qualité dominante, qualité de l’intelligence, du sentiment ou de la volonté, entraînant par conséquence naturelle dans les autres facultés des qualités analogues, — ou bien une circonstance physique ou sociale sera la raison commune d’un certain nombre de qualités dont la réunion constitue le caractère. L’étude du caractère proprement dit, étude synthétique et inductive, qui est préparée par l’étude analytique des qualités, commence donc avec la troisième division de M. Azam, avec celle qu’il a trop timidement intitulée : « Influences qui agissent sur le caractère. » Là, en effet, il passe en revue les causes qui peuvent produire soit une qualité dominante, soit un ensemble de qualités concordantes ; ces causes sont pour lui le tem-