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féminin n’est pas, pour une part au moins, déterminé par la forme du corps de la femme et par les sensations qui en résultent ? Le même principe peut être appliqué aux animaux ; si le cheval, par exemple, est ombrageux, c’est peut-être parce qu’il ne voit pas sa croupe, la partie de son corps la plus sensible et la mieux armée ; le chien et le chat sont dans de tout autres conditions physiques, grâce à la souplesse de leur colonne vertébrale. L’homme qui souffre constamment, d’une manière aiguë ou seulement sourde, devient pessimiste et facilement méchant ; celui dont les organes fonctionnent à souhait est naturellement optimiste ; il peut, partant de là, se laisser entraîner à la vanité et à l’égoïsme ; mais il ne sera pas volontiers méchant, du moins malgré lui ; enfin, le caractère inégal provient souvent de l’alternative de la santé et de la maladie. L’anesthésie et la dysesthésie sont donc des principes de caractère d’une importance considérable. À la même cause générale il faut rapporter, outre l’influence de la plupart des maladies, l’influence du climat, chaud ou froid, sur l’activité et sur les sentiments, et ce fait, remarqué depuis longtemps, que l’esthétique et le genre d’esprit des peuples sont déterminés, dans une large mesure, par le genre de spectacle que ces peuples ont constamment sous les yeux, par les bruits naturels qui frappent sans cesse leurs oreilles. Les faits qui établissent l’influence capitale de la sensation sur le caractère sont très nombreux dans le livre de M. Azam (pp. 37, 150-153, 158-159, 193-195, 207, 209, 210), surtout dans la partie qui traite du caractère dans la maladie ; mais ils sont dispersés ; ils mériteraient d’être réunis, coordonnés, et commentés à la lumière d’une vue d’ensemble.

Victor Egger.

Charles Richet. — Essai de psychologie générale. 1 vol.  in-12, XIV-193 pages. Félix Alcan, 1887.

I. Lorsque le psychologue a décrit les phénomènes qu’il étudie, lorsqu’il les a classés, qu’il les a décomposés en leurs éléments premiers et qu’il a déterminé les lois spéciales auxquelles est soumis chacun des groupes de faits qu’il a réussi à constituer, sa tâche est loin d’être achevée. À côté de la psychologie qui décrit, il y a place pour une psychologie qui explique. Je ne veux pas parler ici des explications dernières, des hypothèses métaphysiques qui prétendent nous faire pénétrer l’essence des choses et nous faire comprendre leur raison d’être : les explications dont aucune science ne peut se passer, ce sont les explications scientifiques, j’entends les explications qui ne cherchent pas à dépasser les limites de l’expérience. Expliquer un fait scientifiquement, c’est le rattacher à une loi expliquer une loi, c’est la rattacher à une autre loi plus générale. Si l’on veut donner des lois d’un certain ordre de phénomènes une explication générale, on ne peut y parvenir qu’en déterminant par l’analyse de ces lois les principes qui les dominent,