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ANALYSES.ch. richet. Essai de psychologie générale.

principes auxquels on peut ensuite les rattacher déductivement. Telle est par exemple en chimie la loi de l’atomicité.

Stuart Mill, Bain et les psychologues de leur école ont tenté de mettre de l’ordre dans les lois psychologiques en les rattachant toutes aux lois d’association, mais ces lois elles-mêmes sont trop compliquées pour n’avoir pas besoin d’être expliquées à leur tour : elles ont le grave tort au reste de ne guère s’appliquer qu’aux phénomènes intellectuels. Herbert Spencer a bien réussi à déduire toutes les lois psychologiques d’une loi unique, mais c’est une loi hypothétique, la loi de l’évolution. La psychologie n’est pas encore une science assez avancée pour que nous puissions dès aujourd’hui rattacher d’une manière certaine tous les phénomènes qu’elle étudie à quelques lois très générales, qui s’appliquent à tous sans exception, mais il est utile, il est même nécessaire de le tenter. C’est cette pensée qui a inspiré l’essai de M. Richet. Quelques mots d’abord sur la méthode qu’il a suivie.

À mes yeux, l’étude de la psychologie générale, c’est l’étude des lois générales des phénomènes psychiques : déterminer ces principes généraux par l’analyse des lois plus spéciales qui sont sous leur dépendance, examiner ensuite comment ils permettent de les comprendre et de les expliquer, chercher enfin à en faire sortir par voie déductive les lois même dont on les a tirés par analyse, tel est le plan que j’aurais suivi. M. Richet a préféré procéder autrement. Il est parti de l’étude des phénomènes les plus simples de la vie de relation, les phénomènes d’irritabilité, et il a essayé de montrer comment on en pouvait faire sortir par des complications successives tous les phénomènes de la vie psychique et les lois auxquelles ils sont soumis. Ce n’est pas dans une loi psychologique que M. Richet va chercher le principe général d’explication dont il a besoin, mais dans une loi biologique, ou pour parler plus exactement dans une propriété des tissus vivants et en particulier de la cellule nerveuse : cette propriété, c’est l’aptitude de la cellule à réagir aux excitations extérieures, l’irritabilité. Il étudie les lois de l’irritabilité cellulaire, puis il cherche ensuite à les retrouver dans le mouvement réflexe, cette forme particulière que prend l’irritabilité chez les êtres doués d’un système nerveux. Il montre comment le mouvement réflexe élémentaire va se compliquant : il ne se limite plus à un seul muscle, mais l’excitation met en jeu tout un groupe de muscles et le mouvement réflexe devient l’acte réflexe. Puis ce n’est plus un acte, mais une série d’actes que provoque une excitation. Ceux de ces actes qui sont adaptés à la conservation de l’individu ou de l’espèce sont fixés par la sélection, transmis par l’hérédité ; ils deviennent des instincts. Alors apparaît la conscience, complication nouvelle de l’acte réflexe. La conscience est éveillée par les mêmes forces qui provoquent les mouvements réflexes comme eux, elle est le résultat d’une transformation dans l’organisme des forces qui existent dans le milieu où il vit : elle est essentiellement d’origine chimique. La conscience est toujours accompagnée de plaisir ou de douleur.