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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXV, 1888.djvu/320

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Les diverses lois des mouvements réflexes (lois de la localisation, de l’irradiation, de l’ébranlement prolongé, de la coordination) sont soumises « à une finalité ; elles ont un but qui est la conservation de l’individu et la conservation de l’espèce[1]. »

Le fait d’être intelligentes quant à leur but donne aux actions réflexes un caractère psychique ; elles ne sont pas intelligentes, mais il y a de l’intelligence en elles. « Les mouvements réflexes sont adaptés à un but qui est la vie de l’être ; ils se conforment non seulement à l’intensité, mais à la qualité de l’excitation ; ils servent admirablement à protéger la vie de l’être et de l’espèce. Ils assurent la défense, l’attaque, la fuite, la nutrition, la reproduction ; mais ils ne sont pas volontaires, ils ont un caractère de fatalité inexorable, et ils succèdent à l’excitation périphérique avec la précision d’un mécanisme immuable[2]. »

Il est une classe d’actes réflexes qui est fort intéressante pour le psychologue, c’est celle des actions d’arrêt. M. Richet les signale en passant, sans y insister peut-être autant qu’on l’aurait souhaité. Il est vrai qu’il revient sur cette question avec plus de développement dans le chapitre qu’il a consacré à la volonté.

Certains mouvements réflexes ne sont pas [déterminés directement par une excitation extérieure, mais indirectement par les modifications que cette excitation a produites dans les centres cérébraux ; en d’autres termes, il y a des excitations très légères qui seraient impuissantes par elles-mêmes à déterminer des mouvements ou qui ne détermineraient que des mouvements très faibles et qui réussissent au contraire à produire des mouvements considérables, parce qu’elles ont éveillé des représentations ou des groupes de représentations qui deviennent à leur tour des causes de mouvements : c’est ainsi que l’on ne courbe la tête en entendant une balle siffler que parce que l’on sait que le bruit que l’on entend est le sifflement d’une balle.

M. Richet appelle les réflexes de cette espèce « réflexes psychiques ». Il leur consacre quelques pages, trop courtes à notre gré, et qui comptent parmi les plus intéressantes du livre : c’est surtout des réflexes psychiques d’arrêt qu’il s’est occupé : il a mis en lumière l’action inhibitoire exercée par le cerveau sur la moelle, il a insisté sur l’antagonisme fonctionnel des deux organes ; il eût été utile peut-être de montrer plus en détail que, si le cerveau exerce sur les réflexes médullaires une action modératrice, les phénomènes dont il est le siège déterminent des mouvements au moins aussi souvent qu’ils en empêchent. C’est l’étude de cette double action, excitatrice et modératrice tour à tour du cerveau sur la moelle, que nous aurions voulu voir faire plus complètement par M. Richet.

III. L’idée que M. Richet s’est formée de l’instinct devait naturellement amener à l’étudier à la suite des mouvements réflexes. Pour lui l’acte

  1. Psych, gén, p. 64.
  2. id. p. 74.