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la loi de finalité. Ce qui distingue les instincts des mouvements réflexes, c’est la disproportion qui existe entre la très légère excitation qui détermine l’animal à certains actes et la très longue série d’actes qui est la réponse à cette excitation. Cette excitation est souvent si légère qu’elle peut passer inaperçue : les actes de l’animal semblent alors spontanés.

IV. C’est seulement à ce moment de son livre que M. Richet aborde l’étude de la conscience. Voici la définition qu’il en donne : « Le mot conscience, dans son sens psychologique, indique la connaissance du moi et l’affirmation du moi. » Mais ce n’est là à ses propres yeux que le plus haut degré de la conscience : il n’est pas nécessaire pour qu’elle existe que le moi se distingue nettement lui-même du monde qui l’entoure, il suffit qu’il sente. En d’autres passages de son livre, M. Richet faisait des phénomènes psychiques et des mouvements réflexes des phénomènes de même nature : ils étaient mis au même plan, sur le même rang ; ils n’étaient pas considérés comme des aspects divers et simultanés d’une même réalité, mais bien plutôt comme les moments successifs d’un même développement.

Ici M. Richet distingue avec soin du mouvement la conscience et la sensation, qu’il identifie avec elle ; une même excitation peut déterminer à la fois des sensations et des mouvements, et d’autre part la sensation peut exister sans qu’il y ait mouvement, le mouvement sans qu’il y ait sensation. Les deux ordres de phénomènes sont donc, sinon indépendants, du moins parfaitement distincts. La contradiction n’est qu’apparente : pour M. Richet, le mouvement réflexe et la sensation sont bien des phénomènes de même nature, ils ne sont tous deux que le résultat des propriétés du système nerveux, le produit d’une transformation de l’énergie, transformation qui a pour siège la cellule nerveuse : c’est bien le mouvement extérieur qui est devenu la sensation, ou, pour parler plus exactement, c’est l’énergie latente accumulée dans la cellule et que ce mouvement a mise en liberté. Il arrive d’ailleurs à M. Richet d’appeler sensations les modifications inconscientes des centres nerveux, modifications qui au bout d’un temps plus ou moins long déterminent des mouvements ; c’est pourquoi il accorde la sensation aux animaux inférieurs auxquels il refuse la conscience : il donne alors le nom de perceptions aux sensations conscientes.

La conscience n’est pas un phénomène simple : on peut la décomposer en ses éléments. C’est tout d’abord la sensation. « Sentir, c’est avoir conscience de quelque chose[1]. » « À côté de la sensation, il y a la notion de l’effort. Essayer de faire quelque chose, c’est par cela même affirmer son existence[2]. » À ces deux éléments vient s’en ajouter un autre, la mémoire. « Elle est tellement indispensable à la conscience que, suivant toute vraisemblance, la conscience est surtout un phénomène de mé-

  1. Psych. gen., p. 120.
  2. id., ibid.