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ANALYSES.ch. richet. Essai de psychologie générale.

moire[1]. » M. Richet insiste sur la longue durée des phénomènes psychiques : c’est d’après lui leur caractère le plus net. De là le rôle essentiel de la mémoire qui réussit à faire un tout de toutes ces petites impressions dont nous n’aurions pas conscience si elles restaient isolées. La conscience enfin suppose « la notion de l’unité de l’être[2]. » Cette unité du moi est, comme la conscience elle-même, créée par la mémoire. Plusieurs personnalités peuvent se succéder alternativement chez un même individu, s’il existe en lui des groupes particuliers de souvenirs qui forment des touts complets sans rapport les uns avec les autres. Mais c’est un fait que l’on n’observe que dans certains cas de somnambulisme ou d’aliénation mentale, au reste « il ne peut jamais y avoir qu’une seule conscience actuelle[3]. »

Voici quelle est la conclusion de ce chapitre ; « Si l’évolution progressive de la conscience marche de pair avec l’évolution progressive de l’intelligence, il ne faut pas cependant confondre la conscience avec les autres phénomènes intellectuels. C’est une onction tout à fait spéciale, une complication surajoutée au mécanisme psychique ; ce n’est pas la psychologie tout entière · · · · Toutes les opérations de l’intelligence peuvent s’effectuer avec ou sans conscience[4]. » « La sensation, le souvenir, l’association des images, l’effort même peuvent apparaître hors du domaine de la conscience. »

M. Richet cherche alors à montrer comment toutes les lois de l’irritabilité qu’il a indiquées au commencement du livre s’appliquent à la sensation, qui n’est pour lui qu’une forme particulière de l’irritabilité. La sensation est pour M. Richet à la fois une connaissance et une émotion ; l’affirmation du monde extérieur est impliquée dans toute sensation ; elle est d’autant plus nette que l’intelligence est plus développée, « la nécessité d’affirmer le non-moi à la suite d’une sensation visuelle, auditive ou surtout tactile, est innée en nous, et fait partie de notre organisation psychique[5]. » Peut-être cette tendance est-elle une tendance acquise par nos ancêtres et qui nous a été transmise par hérédité ; mais ce n’est là qu’une hypothèse, hypothèse aussi difficile à appuyer qu’à combattre. C’est dans notre organisation qu’il faut chercher la cause des émotions, du plaisir et de la douleur, comme des instincts ; « la nature de notre émotion est déterminée par la finalité des choses[6]. » Ce sont les objets nuisibles qui provoquent des émotions pénibles, les objets utiles des émotions agréables. « Tout se passe comme si la nature, dans sa prévoyance, avait voulu veiller sur nous, nous forcer à ménager notre existence. La douleur et le plaisir sont les protecteurs de la vie[7]. »

  1. Psych. gén. p. 121.
  2. id., p. 124.
  3. id., p. 125.
  4. id., p. 129.
  5. id., p. 146.
  6. id., p. 153.
  7. id., p. 154.