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ANALYSES.van ende. Histoire naturelle de la croyance.

action d’arrêt et l’empêcher. Cette action des représentations sur les actes est indépendante de la conscience que nous en avons : des impulsions parfaitement conscientes peuvent être irrésistibles, des motifs que nous ignorons presque nous-mêmes peuvent nous empêcher d’agir. C’est de la lutte entre deux images que naît d’ordinaire notre détermination que nous croyons libre ; nous serons toujours entraînés par l’image la plus forte. Il faut faire intervenir ici un élément nouveau, l’attention : c’est elle qui donne à l’image sa puissance. Mais qu’est-ce que l’attention elle-même ? Si l’esprit a une incontestable « puissance de direction », il n’a pas de liberté de direction. Notre attention, comme notre volonté, est déterminée par les sensations, les émotions, les désirs ; elle n’est au fond que « la conscience que nous avons de la direction de nos idées ». Nous n’avons conscience d’ordinaire que de notre attention qui donne une valeur exceptionnelle à telle ou telle image et non des causes de notre attention même.

Tel est le livre qu’a écrit M. Richet : c’est un très intéressant résumé des opinions d’un physiologiste sur la psychologie. Ce qui est particulièrement digne d’attention, c’est la conception que l’auteur s’est formée des phénomènes psychologiques et le rôle prépondérant qu’il a donné à la finalité dans ses explications.

L. Marillier.

U. Van Ende. — Histoire naturelle de la croyance. 1re partie. L’animal. Paris, Alcan, 1887, in-8o, 320 pages.

Les recherches modernes, nous dit l’auteur dans une introduction qui a le rare mérite de se rattacher directement au sujet, ont ramené la religion primitive « aux tâtonnements de la pensée naissante pour se rendre compte des phénomènes de la pensée et de la vie ». Mais par où ont débuté ces tâtonnements ? à quel ordre d’idées se rattachent-ils ? Sur ce point les opinions divergent ; les uns veulent voir le principal facteur mythogénique dans la notion de la chance, d’autres dans le mystère de la fécondation, d’autres encore — H. Spencer est de ce nombre — dans les phénomènes du sommeil et de la mort. Toutes ces théories, peut-être trop exclusives pour être vraies, sont actuellement moins accréditées que l’explication à laquelle Tylor a donné le nom d’animisme. Suivant cette doctrine, la création des mythes aurait pour origine la tendance que l’on constate chez le sauvage, l’enfant, quelquefois même chez l’adulte cultivé, à prêter les attributs de la vie à tout ce qui l’entoure. Il y a, sans doute, dans cette hypothèse une part de vérité ; mais la conclusion dépasse de beaucoup ce que les faits permettent d’affirmer. Ceux-ci montrent, au contraire, que l’homme, à quelque époque de son développement qu’on le considère, sait fort bien distinguer la matière inerte du monde vivant. Ce ne sont pas les objets matériels qui constituent pour le sauvage des êtres actifs, mais les esprits, les génies bons ou mauvais qui résident en eux. La tendance animiste