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Tout ce qui a été dit des instincts peut s’appliquer aux émotions, parce qu’en réalité, « les émotions sont des instincts, mais des instincts sensitifs, avec conscience. La fatalité et la finalité des instincts moteurs se retrouvent donc tout entières dans les instincts sensitifs du plaisir et de la douleur[1]. »

M. Richet avait fait paraître en juin 1886 un assez long article sur la mémoire dans la Revue philosophique ; le chapitre de son livre qui traite de cette question n’est qu’un résumé de cet article. Toute excitation si courte qu’elle soit laisse derrière elle un retentissement prolongé ; il peut arriver que cette irritation persistante de la cellule ne se trahisse pendant un temps très long par aucun signe extérieur, qu’elle reste latente pour ainsi dire. On a affaire à un phénomène de mémoire élémentaire. Dans la cellule nerveuse psychique persiste indéfiniment cette irritation qui s’efface à la longue dans les autres cellules nerveuses. Chaque excitation a créé pour ainsi dire une nouvelle cellule[2] » ; jamais la cellule irritée ne revient à son état primitif. De là le phénomène du souvenir. À cette mémoire passive, à cette mémoire de fixation », vient s’en ajouter une autre, active celle-là : c’est la mémoire d’évocation. Les images emmagasinées dans l’esprit peuvent, à un moment donné, revenir dans la conscience, et reparaître, évoquées par une sensation ou une volonté[3]. »

M. Richet n’établit pas de distinction nette entre l’idée générale abstraite et l’image. « L’idée ou image, dit-il, est la mémoire d’une ou plusieurs sensations simples ou associées[4]. » Les idées ou images ne sont que l’écho affaibli de nos sensations et émotions antérieures ; les unes sont simples, les autres, factices, résultent du groupement de plusieurs idées simples : ce sont les idées générales. Cette création des idées générales n’est rendue possible que par le langage. Il n’y a pas d’idées innées ; ce qui est inné en nous ce sont certaines tendances intellectuelles, qui déterminent fatalement la forme et la direction de nos idées, et il semble que cette innéité soit explicable par l’hérédité seule.

La volonté, pour M. Richet, n’est pas une cause : c’est une résultante. C’est dans l’étude des actions d’arrêt qu’il faut chercher l’explication des actes volontaires. M. Brown-Sequard a formulé la loi suivante : « Tout segment nerveux est pour le segment nerveux adjacent capable de provoquer soit l’excitation, soit l’inhibition. » C’est cette loi qu’il faut avoir présente à l’esprit lorsqu’on s’applique à l’analyse des phénomènes de la volonté. Les excitations extérieures déterminent des tendances au mouvement : si rien ne lui fait obstacle, le mouvement se produit, mais les représentations, les idées, tous les phénomènes qui ont leur siège dans les centres supérieurs peuvent exercer sur ce mouvement une

  1. Psych, gén., p. 155.
  2. id., p. 158.
  3. id., ibid.
  4. id., p. 160.