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ANALYSES.van ende. Histoire naturelle de la croyance.

La tendance à prêter par analogie à des êtres matériels une vie et une conscience se manifeste dans les mouvements de terreur et de fuite que les phénomènes météorologiques, les mouvements insolites d’objets ordinairement inertes provoquent chez beaucoup d’animaux. L’influence de la lumière et de la chaleur auxquelles ils ne peuvent se soustraire, les mouvements réguliers du soleil, dont certains ont pleinement conscience, doivent faire naître en eux la notion d’êtres animés d’une puissance supérieure. Enfin si, dans presque tous les mythes, les régions les plus élevées sont considérées comme le domaine du bien, tandis que le royaume du mal et du châtiment est relégué au-dessous de la surface terrestre, ne faut-il pas voir la racine de cette notion dans ce fait que « l’issue d’une lutte entre des êtres vivants se traduit le plus fréquemment par une superposition matérielle du vainqueur au vaincu » ?

Les trois grands facteurs mythogéniques, la notion de la chance, celle de la mort, l’analogie, se retrouvent donc, au moins en germe, chez l’animal. Si ces éléments sont restés chez lui à l’état rudimentaire, tandis que leur développement a pris dans l’humanité un si large essort on en trouve la raison dans les causes générales qui ont assuré la suprématie de notre race : l’association, l’outillage, le langage. Sans doute, ces facteurs du progrès se retrouvent dans l’animalité, — ainsi que le montre le chapitre V qui est peut-être la partie la plus intéressante de l’ouvrage, mais les deux derniers surtout sont remarquablement plus développés dans l’espèce humaine que chez les animaux les plus élevés dans l’échelle. Il faut peut-être chercher la cause de cette supériorité dans un changement de régime de l’espèce animale qui devait donner naissance à l’humanité. L’auteur conjecture, non sans preuves à l’appui, que d’arboricole, elle est, à un moment donné, devenue terrestre. Ce fait, rendant la lutte contre les ennemis du dehors bien plus difficile, aura eu une influence considérable sur tous les instincts capables d’assurer la sécurité. L’association étroite, la désignation des êtres et surtout des êtres nuisibles par des noms, la station verticale nécessaire pour mieux observer et, par suite, l’outillage, ont peut-être dû à cette circonstance soit leur origine, soit le degré de développement qu’ils ont atteint chez l’homme.

Telle est, dans ses traits essentiels, la théorie soutenue par l’auteur. Son livre est plein de faits curieux et bien choisis. Il y a là une méthode nouvelle et heureuse de résoudre la question obscure de l’origine des mythes. On trouvera, peut-être, que certaines observations sont acceptées avec une confiance un peu trop absolue (p. 67 et s., par exemple), Les conclusions tirées du rêve chez les animaux (p. 179) nous laissent un peu sceptiques. On pourrait en dire autant des pages où l’écrivain veut démontrer que l’animal possède la notion des déplacements du soleil et du caractère périodique qui y est attaché. Les faits cités à l’appui, à l’exception d’un petit nombre (p. 211 au milieu) qui auraient besoin d’être confirmés par d’autres, sont susceptibles d’une autre interprétation. Serait-on en droit de conclure que les infusoires de nos