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INTRODUCTION À LA SCIENCE PHILOSOPHIQUE[1]


I

LA PHILOSOPHIE EST-ELLE UNE SCIENCE ?


Ce n’est pas sans intention que nous avons donné pour titre à ces études : Introduction à la science philosophique. Notre objet en effet est d’établir, s’il est possible, que la philosophie est une science et de la traiter comme telle. C’est donc là la première question qui se présente à nous. Rien de plus contesté à la philosophie que le droit de s’appeler science. On n’en nie pas l’existence ; qu’elle s’appelle comme elle voudra ; mais science, non pas. Que devons-nous penser de ce débat ?

Cette question, de la manière dont elle est posée d’ordinaire, ne présente pas un grand intérêt ; car elle n’est guère autre chose qu’une question de mots. On prend pour type tel ou tel ordre de sciences, et en particulier les plus rigoureuses de toutes ; on en tire une définition de la science, et tout ce qui ne correspond pas à ce type est exclu de cette dénomination. Par exemple, l’on convient que le caractère essentiel de la science est l’emploi de l’expérimentation et du calcul ; par là, toutes les sciences morales qui n’ont pas, ou qui n’ont que très imparfaitement ces deux méthodes à leur disposition, ne sont pas des sciences. Ainsi, la jurisprudence, l’économie politique, l’histoire ne sont pas des sciences. En ce sens, il est trop évident que la philosophie n’en est pas une. Mais, à prendre ce type à la rigueur, ce ne seraient pas seulement les sciences morales, ce seraient en grande partie les sciences naturelles, et même la physiologie qui devraient être éliminées du rang des sciences : car si cette dernière

  1. C’est le litre du Cours que je fais cette année à la Sorbonne dans la chaire de philosophie, où j’ai eu l’honneur de succéder à M. Caro. La Revue philosophique veut bien en accepter quelques extraits. Le sujet traité ici a été la leçon d’ouverture.