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C’est une proposition interrogative où un certain rapport est posé d’une manière problématique entre le sujet et l’attribut. Retranchez l’interrogation, il reste une solution positive. Donc l’interrogation elle-même ou la question est une solution supposée, en d’autres termes une hypothèse. Problème et hypothèse sont donc une seule et même chose. En posant un problème, on ne pose pas seulement une question vide, mais, sinon toujours, au moins très souvent, on pose conjecturalement une solution possible. Lorsque l’on parle de problèmes insolubles, on n’entend donc pas des problèmes auxquels ne répondrait aucune solution, ni certaine, ni douteuse, ni intelligible, enfin rien ; mais des problèmes dont la solution possible n’est pas démontrée, ou encore qui sont susceptibles de plusieurs solutions entre lesquelles on est embarrassé de choisir. Sans doute l’hypothèse est accompagnée d’incertitude comme les problèmes, mais d’une incertitude limitée, renfermée dans les termes d’une ou de plusieurs solutions possibles, et non pas d’une incertitude indéterminée qui serait celle d’un vide absolu, dans lequel il n’y aurait pas même lieu de distinguer les problèmes les uns des autres : car, dans le vide, rien n’est distinct.

Montrons par des exemples que les problèmes de philosophie ne sont autre chose que des hypothèses. Demander par exemple si le monde a commencé ou n’a pas commencé, n’est-ce pas concevoir deux solutions possibles du problème, deux hypothèses, celle du commencement, celle du non-commencement ? Demander si l’homme est libre, n’est-ce pas concevoir d’une part l’hypothèse de la liberté, de l’autre celle du déterminisme ? Demander si l’âme est immortelle, n’est-ce pas concevoir l’hypothèse de la vie future, ou celle de l’anéantissement ? Tout au plus pourrait-on dire qu’il y a des questions qui n’impliquent aucune solution, par exemple, lorsque l’on s’interroge sur la nature d’une chose, comme lorsqu’on dit : qu’est-ce que la volonté ? Il semble que l’on ne suppose rien par une telle question ; et cependant en réalité, demander ce que c’est que la volonté, c’est demander si elle est ou non réductible au désir, si elle est ou n’est pas une action réflexe, si elle n’est pas une affirmation de l’intelligence, etc. ; or ce sont là autant d’hypothèses sur la nature de la volonté. Même les problèmes originaux inventés par les philosophes et qui ne correspondent pas à des questions naturellement posées par tous les hommes, ne sont autre chose encore que des hypothèses. Lorsque Kant se demande comment les jugements synthétiques à priori sont-ils possibles, il suppose évidemment l’existence d’une synthèse à priori, conception qui a tout le caractère d’une hypothèse. Lorsque Hume demande d’où vient l’idée de connexion nécessaire, cette question ne s’est posée pour lui que parce