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ESPINAS.l’évolution mentale chez les animaux

ici (p. 325) et plus haut (p. 119) aux rapports de la perception et de l’induction eussent trouvé avantageusement leur place dans le chapitre sur l’instinct.

La première phase de l’inférence est la tendance à compléter des perceptions incomplètes. « Nous ne sentons pas tout ce que nous percevons et le surplus de la perception est fourni par l’induction qui n’est inconsciente que parce qu’elle est rapide » (p. 328). Une phase quelque peu distincte de la précédente signale le développement de l’inférence quand, « par suite d’une association constante d’objets, qualités ou relations de milieu, une association d’idées également constante se produit dans l’esprit, correspondant à la précédente », non pas instantanément, mais après un intervalle (p. 331). Puis vient une autre phase « où il y a comparaison consciente des objets, qualités ou relations ». M. Romanes ne considère aucune de ces sortes d’inférences comme au-dessus de l’intelligence de l’animal ; la seule forme de raisonnement dont il le croit incapable est celui qui se sert des symboles précis du langage et implique la connaissance abstraite des rapports. Mais cette partie est beaucoup moins développée que l’étude sur l’instinct : l’auteur se proposant d’y revenir quand il traitera dans un prochain volume des stades inférieurs de l’intelligence humaine.

Une dernière thèse mérite de nous arrêter un instant au sujet des rapports de l’instinct et de la raison. La seconde ne sort pas du premier, dit M. Romanes ; l’instinct est comme la raison un dérivé de la perception, mais ces deux facultés divergent l’une de l’autre à mesure qu’elles se développent, en sorte que l’instinct supérieur est très loin de pouvoir compter comme le stade préparatoire de la raison[1]. Cette remarque est fort juste en ce que, en effet, un instinct ancien, bien adapté, est nécessairement fixé dans les organes et que par suite l’invention, la combinaison d’images originales qui lui a donné naissance s’est oblitérée dans le fonctionnement de plus en plus prompt et correct des mécanismes qui en dérivent ; mais il n’y en a pas moins eu à l’origine une opération mentale d’une certaine sorte qui, la déviation ultérieure mise à part, se trouve sur la ligne ascendante qui conduit à la raison. La discussion contre Spencer, rouverte encore ici, ne nous a pas convaincu de la fausseté de sa doctrine sur ce point.

À quel moment les divers degrés d’inférence ci-dessus mentionnés sont-ils apparus ? On se rappelle que la perception commence au niveau 18, en même temps que les instincts primaires, chez les larves

  1. Cette thèse n’est en aucune manière figurée dans le tableau.