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festement un réflexe psychique ; car il implique une certaine connaissance de la nature de l’excitation : une élaboration intellectuelle, sans laquelle le réflexe émotif n’aurait pas lieu.

Pour ce réflexe psychique comme pour les autres réflexes, l’excitation extérieure est toujours la cause déterminante, le mobile qui met en jeu l’acte réflexe ; mais, tandis que, dans les actes réflexes ordinaires, l’excitant extérieur, pour actionner les nerfs moteurs n’exige aucune intervention de l’intelligence, dans le cas du réflexe psychique, l’excitant extérieur ne suffit pas : il faut une élaboration de cette excitation par l’intelligence, et une connaissance, à un degré quelconque, de l’excitation extérieure.

Cette élaboration peut être à tous les degrés, depuis le travail compliqué qui nous fait relier tel ou tel mot à une idée ancienne, très compliquée aussi, jusqu’à une connaissance extrêmement vague ; à peine consciente.

Ainsi, au lieu du mot imbécile, dont le sens est immédiatement saisi par tous ceux qui parlent français, nous pouvons supposer un mot qui en lui-même n’est pas injurieux ; par exemple, je suppose, devant un individu qui a commis une escroquerie, et qui a fait quelques mois de prison, si l’on prononce, dans le cours d’une conversation, le mot de police correctionnelle, sa rougeur sera une rougeur réflexe. Le mot de police correctionnelle n’a aucune valeur en lui-même ; il en a acquis une pour l’individu en question. Les mots : police correctionnelle, ont éveillé, par l’association et le souvenir, une série d’idées qui ont produit la rougeur. Le caractère intelligent du phénomène n’est pas douteux ; mais, quoique intelligent, il est en même temps réflexe ; car il s’agit d’un mouvement tout à fait involontaire provoqué immédiatement par une excitation périphérique.

Cependant la complexité du phénomène réflexe de la rougeur émotive est extrême, et elle nécessite assurément une intelligence, une compréhension et une élaboration intellectuelle approfondies, telles qu’il n’y en a pas dans les actes réflexes simples.

Si l’on analyse comment une excitation extérieure, si faible par elle-même, a pu provoquer la rougeur réflexe de la face, on voit que l’excitation n’a été efficace que parce qu’elle a provoqué une émotion. Cette rougeur qui accompagne la colère aurait pu survenir par le fait de tout autre excitant, qu’il s’agisse d’un excitant lumineux (une lettre d’’injures par exemple) profondément différent au point de vue physique d’un excitant acoustique, mais psychologiquement aboutissant au même résultat, la colère amenée par un mot injurieux. La nature de l’excitant n’est rien ; la quan-