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cependant une sorte de frayeur élémentaire qui consiste dans le tressaillement produit par un bruit inattendu, ou dans le clignement des paupières qu’amène un objet approché rapidement de nos yeux. La vue, dans un cas, l’ouïe, dans un autre, sont les stimulants de ces mouvements réflexes de défense.

D’ailleurs tous les mouvements qu’on appelle physionomiques, ceux qui servent à exprimer les émotions de l’âme, sont bien des réflexes. Gestes, attitudes, mouvements de défense, comme ceux que la frayeur provoque avec tant de variété chez les différents êtres, tous ces phénomènes sont franchement réflexes.

Les mouvements d’imitation, de sympathie, n’ont pas d’excitant spécifique. Il suffit que telle ou telle émotion soit éveillée pour amener la tendance à la production d’un mouvement semblable.

En résumé, nous voyons que les excitants des émotions de l’âme sont en général quelconques, n’ayant de valeur que par le jugement irrésistible et soudain que l’âme porte sur eux. Pour que ces excitants soient aptes à provoquer un mouvement, il faut qu’ils aient été transformés par une élaboration intellectuelle.

Mais si ces excitants, au point de vue physique, sont quelconques, ils ne sont pas quelconques, au point de vue biologique, C’est-à-dire que si, par un objet quelconque, telle ou telle émotion est provoquée, plutôt que telle autre, ce n’est pas par le fait du hasard. Il y a une raison d’être à ses diverses émotions ; et cette raison d’être, c’est la nature même de l’animal impressionné. En étudiant les causes du dégoût, de la douleur, de la peur, j’ai pu prouver que la raison d’être de ces émotions était la conservation de l’individu et de l’espèce, et j’ai appelé nécessité vitale ces conditions nécessaires à tout être vivant. Si l’approche soudaine d’un objet menaçant nous fait fermer brusquement la paupière, c’est qu’il faut protéger l’œil et la cornée délicate contre les injures extérieures ; si l’odeur d’une charogne nous répugne, c’est que la putréfaction produit des poisons et des organismes délétères ; si un bruit inattendu nous fait tressaillir, c’est qu’il faut se soustraire par la fuite au danger qui nous menace ; si nous retirons la main quand un tison enflammé la touche, c’est qu’il faut éviter la brûlure qui désorganiserait nos tissus.

À toutes les excitations capables d’amener telle ou telle émotion il est facile de trouver une raison d’être zoologique. Tous les êtres sont organisés pour vivre, et leurs émotions, comme leurs réflexes émotionnels, sont admirablement adaptés à leurs conditions biologiques. Nous ne pouvons faire ici que signaler cette loi, qui domine