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succédant à l’excitation d’un nerf sensitif. Le tremblement du chien qu’on fouette ou du chien à qui on montre le fouet est réflexe dans les deux cas, puisqu’un excitant périphérique des nerfs sensitifs a déterminé sa réaction : en outre dans les deux cas il est psychique, c’est-à-dire qu’il suppose une appréciation de la qualité de l’excitant, avec une émotion plus ou moins vive de la conscience. Mais’dans le cas du chien fouetté la peur est instinctive, innée, commune à tous les chiens, qui tous tremblent quand on les fouette ; dans le cas du chien que la vue du fouet fait trembler, la peur est le résultat de sa mémoire, spéciale à ce chien qui connaît le fouet et les effets du fouet, et qui s’en souvient en voyant le fouet levé sur lui : par conséquent elle témoigne d’une association d’idées qui est presque un jugement.

Nous croyons donc devoir établir une différence entre le mot psychique et le mot intelligent. Un réflexe est psychique quand il suppose une élaboration mentale, que cette élaboration soit consciente ou non ; il est psychique et intelligent, quand il n’est pas dû uniquement à l’organisation nerveuse de l’animal, mais qu’il suppose un souvenir, une association d’idées, une comparaison entre l’excitant actuel et un excitant ancien dont le souvenir a persisté.

Tous ces actes, intelligents ou non, sont tout à fait involontaires : je l’ai déjà dit souvent, et je ne saurais trop le répéter. Ils se produisent avec la fatalité d’un mécanisme admirable, mais d’un mécanisme. — Il importe peu qu’il y ait ou non conscience. — Le chien ne peut pas plus s’empêcher de trembler quand on lui montre le clou où on a pris l’habitude d’attacher le fouet, qu’il ne peut s’empêcher de trembler quand il reçoit les coups de fouet. Qu’il y ait association d’idées reliant l’excitation présente à des excitations anciennes, ou réflexe direct sans souvenir, cela importe peu, et dans les deux cas la fatalité est aussi grande. Le soldat qui baisse la tête quand une balle siffle à côté de lui, a un réflexe intelligent, mais tout aussi involontaire que le réflexe du lièvre qui détale quand on fait quelque bruit près de lui. Nulle intervention de ce que nous appelons la volonté : l’excitation détermine l’émotion, puis la réaction réflexe, avec autant de fatalité que l’abaissement de la gâchette détermine la détonation de la cartouche.

Ce sont donc bien des mouvements réflexes. Mais, par le fait de la mémoire qui accumule les souvenirs, les associations d’idées, les comparaisons, ces réflexes deviennent si compliqués qu’ils perdent l’apparence d’élémentaire mécanique qui caractérise les réflexes simples. À vrai dire, ce n’est qu’une question d’apparence ; car, au fond, il y a autant de fatalité et de mécanisme dans la réaction de