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RICHET.les réflexes psychiques

stimuler les réflexes, comme on le sait depuis les beaux travaux de Setschenoff. Des grenouilles dont l’encéphale a été enlevé sont bien plus excitables que des grenouilles intactes. M. Langendorff a montré que des grenouilles aveuglées étaient plus excitables que des grenouilles normales, comme si les sensations rétiniennes allaient, par un perpétuel réflexe d’inhibition[1], ralentir et diminuer l’intensité des réflexes normaux.

Il y a donc réellement une sorte d’antagonisme entre les opérations accomplies par les viscères et les excitations psychiques. Dès que survient une émotion un peu forte, aussitôt les actions viscérales s’arrêtent. Il se fait une réaction de suspension. Autrement dit une émotion amène presque toujours un phénomène de paralysie viscérale. Si le cœur bat plus fort, c’est que les pneumo-gastriques sont paralysés ; si la face rougit, c’est qu’il y a paralysie des capillaires de la face ; si les sécrétions gastrique et salivaire sont suspendues, c’est que les nerfs sécréteurs ne fonctionnent plus ; si l’intestin se contracte avec force, c’est que le nerf splanchnique qui arrête l’intestin se trouve paralysé. Assurément cette loi de paralysie (viscérale) par les réflexes psychiques n’est pas absolue ; mais on peut la considérer comme vraie dans la plupart des cas. De ces faits nous pouvons déduire les conclusions suivantes :

1o Toute excitation sensible, capable de produire une émotion, forte ou faible, nettement consciente ou à peine consciente, retentit par voie réflexe sur les mouvements des viscères, et modifie par conséquent l’innervation des divers appareils organiques.

2o Ces excitations sensibles produisent en général des réflexes d’inhibition, comme si la vie psychique était en antagonisme avec la vie viscérale.

3o Par conséquent la vie de chacun de nos organes isolément, et de tous nos organes simultanément est étroitement unie à la vie psychique de l’individu.

Les mouvements qu’une émotion réflexe ou spontanée provoque dans les muscles de la vie animale sont variables et nombreux, et toute analyse méthodique en est difficile. On pourrait les ranger en deux classes : d’abord les mouvements physionomiques ; puis Îles mouvements d’ensemble.

  1. Cette inhibition n’est pas sans avoir une raison d’être au point de vue de l’évolution et de la nécessité vitale. En effet, les émotions sont en général des émotions de protection. (est un danger qui nous menace quand nous éprouvons peur, dégoût ou douleur : et il est bon que la vie viscérale soit suspendue pendant que ce danger est imminent. D’ailleurs je donne cette conjecture pour ce qu’elle vaut, c’est-à-dire pour une simple conjecture.