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C’est une division qui est évidemment artificielle ; en effet un mouvement de la physionomie, un geste, une attitude, sont évidemment dus à une émotion. Mais que l’émotion devienne plus forte, le geste devient aussitôt plus marqué : au lieu d’un simple mouvement de quelques muscles, il y a mise en jeu de tous les muscles de l’organisme et mouvement d’ensemble énergique.

Prenons un exemple qui fera comprendre que toutes les transitions existent entre la physionomie et les actes. Voici un lièvre dans un champ. Il entend à côté de lui un léger bruit. Alors il dresse l’oreille : c’est un geste qui exprime son émotion ; et un réflexe très simple. Si le bruit est un peu plus fort ; il dresse les deux oreilles et retourne la tête. Que le bruit soit plus fort encore : et il fera un bond. Enfin, s’il s’agit d’un bruit très fort, très effrayant, non seulement il fera un bond, mais encore il détalera à toutes jambes, sautant par-dessus les fossés, les betteraves, pendant une course d’un kilomètre.

On pourrait prendre de même beaucoup de réflexes et montrer qu’insensiblement, par une série de gradations et de nuances, le geste finit par devenir un mouvement d’ensemble, un acte véritable, de sorte qu’il n’y a aucune démarcation entre les mouvements physionomiques et les autres.

À cette classification j’en préférerais une plus physiologique, qui rentre dans le cadre des lois générales des réflexes.

En effet, ainsi que j’ai eu l’occasion de le montrer[1], les deux lois principales des réflexes sont celles de la localisation et de l’irradiation.

Quand un nerf sensitif est excité, le mouvement réflexe qu’il provoque est d’abord localisé, c’est-à-dire qu’il est limité au muscle dont le nerf moteur a une origine médullaire très proche de l’endroit où aboutit le nerf sensitif excité.

Mais, si l’excitation est plus intense, le mouvement sera plus étendu ; il y aura irradiation de l’excitation dans la moelle ; et le mouvement portera non plus seulement sur un seul nerf moteur, mais sur l’ensemble des nerfs moteurs de l’organisme.

Pour les réflexes psychiques, il y aussi localisation, puis irradiation, suivant l’intensité de l’excitant ou le degré de l’excitabilité.

Prenons pour exemple le mouvement de retrait de la main consécutif à une brûlure. Descartes a pris cet exemple pour donner le premier une théorie très exacte des actions réflexes.

Si l’on touche avec la main un corps très chaud, par exemple un fer chauffé au rouge sombre et qu’on croit froid, dès que le contact

  1. Physiologie générale des muscles et des nerfs, page 513.