Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXV, 1888.djvu/446

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
436
revue philosophique

et tous les jours suivants, sans interruption, du 1er janvier au 12 janvier inclusivement, c’est-à-dire treize fois avant de tenter la première expérience de sommeil à distance.

Je n’insisterai sur aucun des phénomènes psychiques ou somatiques que Léonie a présentés ; car mon but était surtout de vérifier le fait du sommeil à distance. J’aurai peut-être l’occasion de parler quelque jour de diverses particularités, mais actuellement je me contenterai d’indiquer ce qui se rapporte à cette question unique.

Dans ces treize premières séances, j’avais seulement cherché à donner à Léonie l’habitude d’être endormie par moi ; et cela a exigé beaucoup de temps, comme on voit. M. Janet avait dû faire de même, et il n’a essayé de l’endormir à distance qu’après quatorze séances de somnambulisme.

Voici quelles ont été les habitudes de Léonie depuis le 26 décembre jusqu’au 12 janvier (date de ma première expérience). Elle demeurait dans une soupente, et le matin à 9 heures, descendait dans l’appartement de M. X. pour prendre son premier déjeuner. De 9 h. 15 à midi 15 environ, dans une petite pièce attenant à la salle à manger, elle travaillait à l’aiguille, soit seule, soit avec les enfants qu’elle gardait (deux petites filles de quatre et deux ans). De midi quinze à 1 h., déjeuner. Souvent, après le déjeuner, elle sortait pour se promener une heure ou deux. Elle rentrait vers 3 h. et demie, et travaillait de nouveau à l’aiguille jusqu’à mon arrivée, qui était toujours entre 3 h. et demie, 4 h., 5 h., 6 h. et 6 h. et demie. Je la tenais endormie depuis l’heure de mon arrivée jusqu’à 7 h., 7 h. et demie, 8 heures, 9 heures, selon que je restais ou non à diner chez M. X. Puis elle dinait, et, quelque temps après son diner, remontait se coucher.

Première expérience. — Je sors de chez moi le mercredi 12 janvier à 9 h. 10 du matin (avec l’intention d’endormir Mme B. à distance)[1], et, en marchant lentement, de 9 h. 10 à 9 h. 30 (dont cinq minutes dans l’escalier de M. X.), je tâche d’exercer cette action. Personne n’est prévenu de mon intention. Je monte chez M. X. Je trouve Mme B. éveillée ; je lui dis que je voulais parler à M. X. M. X. en effet était 18. Il fut surpris de me voir, et je sortis avec lui. Le soir à 4 heures, quand j’eus endormi Léonie, elle me dit qu’elle avait été très fatiguée toute la journée ; et spontanément elle ajouta : « J’ai commencé à avoir envie de dormir vingt minutes avant que vous veniez ; et cela a duré tout le temps que vous marchiez, car vous y pensiez en venant. J’allais dormir à 9 heures environ, quand les enfants ont fait du bruit et m’ont réveillée. C. (la cuisinière) alors m’a parlé, et je ne sais pas ce que je lui ai répondu. »

Celte première expérience était donc un insuccès, puisque l’état somnambulique n’avait pas été obtenu ; mais c’était un insuccès encou-

  1. La distance de chez moi à la maison de M. X. est d’environ 700 mètres.