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société de psychologie physiologique

Le matin, en s’habillant, elle s’est sentie prise tout d’un coup d’un grand mal de tête. Elle pensait que ce mal de tête se dissiperait : aussi a-t-elle continué à s’habiller, et elle est descendue. L’heure à laquelle elle est descendue était cinq à dix minutes après qu’elle a ressenti le commencement de son mal de tête. Puis, le mal de tête continuant à augmenter, elle s’est sentie tout à fait incapable de se tenir debout, et elle est remontée dans sa chambre, où elle s’est couchée tout habillée, n’ayant pas la force de se déshabiller. Jamais pareille chose ne lui était arrivée depuis qu’elle était venue à Paris ; elle avait passé une très bonne nuit, et elle était très bien portante en se levant.

L’heure exacte à laquelle elle est descendue est très importante à connaître. J’interroge séparément chacune des différentes personnes de la maison. Léonie dit qu’elle est descendue à 9 h. 10. Mme X. dit 9 h. 5. C. dit 9 h. 30. M. X., en qui je serais tenté d’avoir, au point de vue de l’exactitude de l’observation, le plus de confiance, dit 9 h. 30. La moyenne de ces différentes heures est donc 9 h. 20. Si l’on admet que son mal de tête a commencé sept minutes auparavant, cela fait 9 h. 13 pour le commencement de l’action, heure qui coïncide bien avec l’heure à laquelle j’ai essayé d’agir à distance. Il va sans dire qu’en dirigeant cette sorte d’enquête sur les heures, je ne donne, autant que cela dépend de moi, aucune indication sur l’heure à laquelle j’ai agi[1].

Vers midi on monte dans la chambre de Léonie B. On la trouve couchée tout habillée sur son lit ; elle dit ne pas pouvoir se tenir debout, ni descendre dans la cuisine pour aller déjeuner, — c’est la seule fois que cela lui est arrivé pendant son séjour à Paris du 26 décembre au 95 janvier. — On est tout étonné quand, vers 1 h. 85, on la voit descendre dans le salon en état somnambulique. Elle prétend que c’est moi qui l’ai endormie à 4 h. 30 et que je l’ai forcée à descendre dans le salon.

De 1 h. 30 à 5 h. 10, elle reste endormie, sur un fauteuil, dans le salon, disant qu’elle m’attend là, parce que je lui ai donné l’ordre de m’attendre.

Cette expérience peut être considérée comme un succès incomplet. Elle aurait été irréprochable, si l’état somnambulique avait été obtenu d’emblée à 9 h. 20, au lieu de ne survenir qu’à 1 h. 35. Elle n’en reste pas moins intéressante, par suite de cette coïncidence remarquable des heures. 9 h. 11, essai d’action ; 9 h. 13, commencement de lourdeur et de fatigue. Puis, à 1 h. 35, coïncidence entre le moment où je fais la démonstration du sommeil à distance, et la production chez Mme B. de l’état somnambulique.

  1. Certes il est malheureux d’être contraint à de pareils calculs. En effet la mesure des temps dans ces conditions est essentiellement approximative, Mais quel autre moyen était à ma disposition ? Rien n’est plus pénible, quand on a l’habitude des mesures exactes, automatiques et irréprochables, de la physiologie, de la physique, et de la chimie, que d’être amené à des constatations si irrégulières. Mais il faut se résigner : car, dans le cas actuel, toute autre mesure était impossible.