Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXV, 1888.djvu/463

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
453
société de psychologie physiologique

ÉTUDE COMPARATIVE SUR LES CERVEAUX DE GAMBETTA ET DE BERTILLON

Parmi les pièces intéressantes recueillies par la Société mutuelle d’autopsie et conservées au laboratoire d’anthropologie de l’École des hautes études, figurent les cerveaux de Gambetta et de l’illustre démographe Adolphe Bertillon. Après avoir été pesés à l’état frais, ces cerveaux ont été moulés habilement, le premier par M. Talrich, le second par M. Chudzinski. Puis, ils ont été durcis dans l’alcool et leur description morphologique a été faite, celle du cerveau de Gambetta par MM. Chudzinski et Mathias Duval[1], celle du cerveau de Bertillon par M. Chudzinski et moi[2].

Gambetta et Bertillon étaient des hommes évidemment très bien doués l’un et l’autre, mais cependant fort différents sous le rapport de l’intelligence et du caractère : l’un était hardi, entreprenant, communicatif, loquace et brillant orateur ; l’autre, au contraire, réfléchi, réservé, silencieux et aussi mauvais orateur que savant profond et consciencieux. En vertu de cette opposition si tranchée, j’ai pensé qu’une comparaison entre les cerveaux de ces deux hommes célèbres présentait un intérêt tout particulier, d’autant plus que les différences psychiques coïncidaient avec des différences cérébrales non moins marquées. Mon intention n’est pas de baser des théories cérébro psychologiques sur cette comparaison ; je sais dans quelle faible mesure les deux cas dont il s’agit peuvent servir à éclairer la physiologie. Je me bornerai à exposer des faits positifs et à indiquer leur signification d’après les données actuelles de la science, sans sortir des limites encore bien étroites que nous impose l’imperfection de nos connaissances en psychologie physiologique. Il ne s’agit pas de diagnostiquer, d’après les caractères de leurs cerveaux, les aptitudes intellectuelles et la valeur générale, à ce point de vue, de Gambetta et de Bertillon ; ce serait là une tentative ridicule. Il s’agit seulement d’exposer des différences anatomiques, de les rapprocher de certaines différences psychologiques connues avec plus ou moins de précision et de voir s’il est possible de saisir quelque relation entre les unes et les autres, d’après les données de l’anatomie comparative et de la physiologie.

Nous avons à examiner successivement trois ordres de caractères : 1o le poids ou le volume du cerveau ; 2o la forme générale ; 3o le développement des circonvolutions et spécialement de la circonvolution de Broca.

I. — Bien que Gambetta fût à peu près d’une taille moyenne, le poids de son encéphale (1294 grammes) était notablement inférieur à la

  1. Bull. de la Soc. d’anthropologie de Paris, 1886.
  2. Ibid., 1887.