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jusqu’à affirmer, en s’appuyant sur des observations cliniques, que les phénomènes rattachés à la prétendue sensibilité musculaire sont dus en réalité à la sensibilité des surfaces d’articulation.

De plus, l’emploi du mot sens n’est pas davantage justifié ; car la question est de savoir s’il existe un sens distinct et spécial du mouvement, ou si les sensations relatives au mouvement dépendent simplement de la sensibilité générale. Duchenne de Boulogne remarquait que le terme de sens musculaire n’est pas plus légitime que celui de sens rectal ou de sens vésical.

Nous préférons donc à l’expression de sens musculaire celle de sens kinesthétique, proposée par M. Bastian, et acceptée par M. Charcot, ou celle de sensation de mouvement, qui est plus simple et que M. Féré nous a proposée. Il faut toutefois compléter cette dernière expression par l’addition d’un qualificatif qui marque bien qu’il s’agit de sensations afférentes, prenant leur point de départ dans l’état du membre en mouvement, et se dirigeant par conséquent de la périphérie au centre, comme le font les impressions sensitives de la vue, de l’ouïe et des autres sens spéciaux. Il est d’autant plus important de faire cette observation qu’il existe peut-être, d’après une opinion que nous allons bientôt examiner, des sensations de mouvement qui ont une origine centrale. Donc, pour éviter toute espèce de confusion, on pourrait adopter la dénomination suivante : sensation centripète de mouvement, qui désignera les impressions ayant leur origine dans les muscles, les tendons, les capsules articulaires et la peau d’un membre en mouvement.

Les auteurs ont fait quelques remarques utiles à retenir sur les fonctions de la sensibilité kinesthétique. D’après Bastian, il est permis de supposer que les impressions kinesthétiques ne sont pas toujours conscientes, et qu’il existe un grand nombre d’impressions non senties ou peu senties qui accompagnent notre activité motrice et servent à la régler en mettant nos mouvements en rapport avec les degrés de contraction des muscles. De plus, ainsi que M. Jaccoud l’a déjà remarqué depuis longtemps, les sensations kinesthétiques ont une tendance à remplacer celles de la vue dans la direction des mouvements. Dès qu’un acte, si complexe qu’il soit, est convenablement appris, le contrôle visuel cesse d’être nécessaire, et nous accomplissons l’acte, les yeux fermés, sous la seule direction des impressions kinesthétiques. Il en est ainsi, par exemple, pour la marche.