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BINET.le problème du sens musculaire

II

Après ce long préliminaire, qui consiste tout entier, qu’on veuille bien le remarquer, dans l’analyse psychologique de l’activité volontaire et motrice, nous arrivons enfin au problème controversé.

La question qui s’agite entre les philosophes et entre les physiologistes est la suivante : Existe-t-il, indépendamment des sensations décrites jusqu’ici, des impressions d’un autre ordre, nous donnant la notion des mouvements volontaires que nous exécutons ?

Tous les genres d’impressions que nous venons d’étudier sont de nature centripète ; on reconnaît de suite ce caractère aux sensations de la vue, de l’ouïe, et aux sensations dites centripètes du mouvement que nous avons rapportées à la sensibilité générale du membre ; ce sont des faits extérieurs transmis au cerveau par les nerfs sensitifs ; ce sont, de plus, des impressions consécutives au mouvement exécuté ; elles sont postérieures au mouvement, elles en sont la copie, la photographie, en un mot, la représentation cérébrale ; pour qu’elles naissent, il faut que le mouvement soit exécuté : elles donnent au sujet le sentiment de l’énergie qui a été déployée.

On a pensé que le sujet qui exécute un mouvement volontaire est averti, en outre, de l’exécution de ce mouvement, par des impressions d’un autre ordre ; ces impressions, au lieu d’être centripètes, seraient centrales ; elles correspondraient au courant de sortie de l’influx moteur ; le sujet aurait le sentiment de l’innervation, de la décharge motrice, au moment même où la décharge se fait, dans les cellules motrices de l’axe cérébro-spinal, par conséquent avant que les contractions musculaires appropriées se produisent.

Cette hypothèse n’est pas née d’hier ; elle est au contraire fort ancienne. J. Müller, le physiologiste bien connu, disait déjà de son temps : « Il n’est pas prouvé que la notion de la force dépensée dans une contraction musculaire dépend seulement de la sensation. (il faut entendre la sensation centripète qui a son origine dans le membre en mouvement). Nous avons une notion tout à fait exacte de la quantité de force nerveuse qui part du cerveau pour produire un mouvement donné. Il serait bien possible que l’appréciation du poids et de la pression provint en partie non seulement d’une sensation du muscle, mais d’une notion sur la quantité de force nerveuse dégagée par les centres nerveux. » Bain, Hughlings-Jackson, en Angleterre, Wundt, Bernhardt en Allemagne, ont soutenu la même opinion, en la modifiant très peu.