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CH. SECRÉTAN.questions sociales

et non point exclusivement pour son compagnon, d’où suit qu’elle doit avoir son mot à dire dans l’arrangement de leur société. Cette conclusion tout abstraite, toute logique, tout a priori, se trouve être la plus conforme aux intérêts publics ; et la preuve, c’est que le jeu naturel de ces intérêts nous y pousse partout où il n’est pas troublé par la violence, et que l’émancipation graduelle de la femme marche de pair avec les progrès de la civilisation.

Il y a donc un idéal, il y a donc un a priori, une étoile polaire où le pilote attache son regard pour diriger le cours du navire. L’étoile, c’est la liberté, et la marche rationnelle se compose d’une série de compromis entre la liberté, but invariable, et les nécessités de fait qui obligent à des circuits pour s’en rapprocher. Telle est l’idée fort simple que nous voudrions réhabiliter dans la mesure de nos forces et que nous essaierons d’appliquer maintenant, sur un point particulier, à la brûlante question du travail manuel.

Il s’est écoulé bien du temps depuis le jour où les ouvriers anglais, unis pour arracher à leurs patrons des conditions plus favorables au moyen d’une grève simultanée, ont vu leurs efforts déjoués par l’introduction d’ouvriers étrangers moins exigeants, et se sont aperçus que, pour réussir, il fallait exciter la même ambition chez ces derniers en leur démontrant la solidarité de leurs intérêts : telle est l’origine de la fameuse ligue internationale qui, bientôt divisée et détournée de son premier objet, a causé d’assez vives craintes pour motiver l’intervention de la loi, sans que la participation de l’alliance comme telle à des actes de violence ait été clairement établie. Nominalement dissoute, elle n’en subsiste pas moins sous diverses formes. En fait, les ouvriers de tous les pays sont persuadés qu’ils ont une même cause et que leurs vœux ne peuvent être satisfaits que par une transformation générale de l’industrie. Ici, d’importantes associations ouvrières ont formulé récemment un programme dans lequel ils demandaient entre autres au gouvernement de provoquer l’établissement d’une loi internationale du travail.

Le journal le Temps, où nous avons trouvé ce fait, a reconnu que plusieurs points de la requête des ouvriers méritent l’attention du législateur français ; mais, quant à des mesures internationales, le Temps s’est borné à dire qu’il ne saurait en être question, et il a quitté le sujet sur cette déclaration péremptoire, sans ajouter un mot pour la justifier ou pour l’expliquer.

En d’autres pays, la demande de ces ouvriers eût été moins dédaignée, elle aurait même trouvé des organes officiels. Nous avons lu dans les journaux suisses que, le 23 décembre dernier, MM. de