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la réduction d’un sixième ou d’un cinquième de la journée serait supportée aisément par la généralité des consommateurs et n’affecterait pas le chiffre total des transactions d’une façon très sensible. Quant aux ouvriers, ils sont de si chétifs consommateurs d’articles manufacturés que le renchérissement n’en aurait pour eux aucune importance. Cette hausse des produits, cet intérêt des consommateurs et du prolétaire lui-même en sa qualité de consommateur n’est qu’un fantôme au service des intérêts qui s’opposent aux réclamations les plus légitimes. On ne saurait mettre en balance l’avènement de la classe ouvrière à la santé, à la culture, à la liberté par le loisir avec une hausse de cinq pour cent sur les fers et sur les cotonnades.

Nous estimons donc qu’une mesure internationale limitant la durée du travail salarié serait économiquement justifiable et bonne pour le travailleur ; mais c’est essentiellement au point de vue du droit que nous avons envisagé cette limitation et que nous avons essayé de la justifier, c’est également au point de vue du droit que nous devons examiner l’idée d’une législation internationale. À cet effet, qu’il nous soit permis de remonter à nos principes.

Nous ne trouvons d’excuse à la contrainte que dans les exigences de la liberté ; nous ne concevons la légitimité de l’État, dont la contrainte, directe ou indirecte, est l’unique forme d’action, qu’à titre de gardien de la liberté, laquelle implique la paix matérielle et l’observation des engagements. Nous ne demandons pas dans quelles circonstances se sont établis les pouvoir : », publics ; ces circonstances ont pu varier : tel État a pu naître de la famille, tel de la violence, tel de la persuasion ; ce que l’histoire a fait, elle peut le défaire ; quel qu’ait été le commencement d’un État, il ne subsiste en droit que par le consentement actuel de ses ressortissants, et ce consentement ne saurait être unanime que s’il porte sur l’indispensable. Unanime, avons-nous dit : le droit de la majorité au gouvernement n’a pas d’autre base à nos yeux que le droit d’une classe ou d’une dynastie, savoir la soumission volontaire des administrés. Nous savons combien cette conception est démodée, nous comprenons parfaitement que chacun veuille forcer les autres d’agir à sa guise et faire leur bonheur comme il le conçoit ; mais nous attendons qu’on nous dise une fois d’où pourrait venir le droit de la majorité, si ce n’est du consentement, ou qu’on fonde enfin par des raisons intelligibles la condamnation du droit lui-même. L’État repose donc sur le consentement : si ce consentement se borne à l’indispensable, il peut être supposé ; s’il s’étend au delà, il faudrait en prouver la réalité de fait, et nous réclamons production des titres.