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schématiques. Ils peuvent servir de types, soit au peintre, soit à l’acteur, pour l’expression vraie des sentiments.

C’est que les sentiments éprouvés par les somnambules ne sont gênés par aucune force d’inhibition. Une émotion a ébranlé leur intelligence, et alors, par suite de la constitution même de leur intelligence, cette émotion est devenue souveraine dominatrice. Rien ne peut plus l’arrêter, l’entraîner. Tout est sombre à côté de cette émotion unique, lumineuse, exclusive, ce monoidéisme qui implique l’absolu pouvoir de l’idée. Les somnambules sont monoidéiques, tandis qu’à l’état normal, il n’y a jamais, chez aucun de nous-même quand la passion est très forte, monoidéisme aussi complet.

Revenons à l’influence de la volonté sur les réflexes psychiques. Le mot volonté employé dans le langage ordinaire n’est cependant pas un mot vide de sens. Au contraire il signifie quelque chose de très précis ; il signifie cause qui n’est pas extérieure.

Reprenons l’exemple, très élémentaire, du clignement de la paupière provoqué par la rapide approche d’un objet. Là je vois parfaitement la relation qui unit le mouvement de la paupière avec l’approche menaçante d’un objet. C’est un acte psychique réflexe, dont le caractère réflexe apparaît à ma conscience en toute évidence. Aussi, quand la paupière s’abaisse, suis-je parfaitement assuré que ma volonté n’est pour rien dans ce mouvement. Je dis donc que c’est un acte involontaire ; car je me rends parfaitement compte qu’il a été provoqué par un phénomène extérieur et que par conséquent il s’agit d’un mouvement réflexe que ma volonté, phénomène intérieur, n’a pas provoqué.

De même, si l’on me fait une opération douloureuse, l’arrachement d’une dent par exemple, et si, vaincu par la douleur, je pousse un cri, je saurai très bien que ce cri est un cri réflexe, que ma volonté n’y est pour rien, et je dirai qu’il s’agit là d’un cri involontaire.

Au contraire, la force qui m’empêchera de pousser un cri, ou de fermer la paupière, sera, selon toute vraisemblance, une cause morale, non physique, une idée ancienne, un souvenir, un raisonnement quelconque, dont la nature réflexe m’échappera presque complètement, et alors je dirai que c’est la volonté qui n’a empêché de fermer la paupière et de pousser un cri.

Nous avons parlé précédemment des réflexes d’organisation et nous les avons opposés aux réflexes d’acquisition. Cette opposition a lieu bien souvent ; bien souvent il y a antagonisme entre les uns et les autres. Or un réflexe d’organisation a toujours très franche-