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RICHET.les réflexes psychiques

ment le caractère d’un acte réflexe involontaire : la vue d’un abîme produit le vertige ; l’approche rapide d’un objet provoque le clignement ; l’odeur d’une charogne amène le dégoût et l’expression de l’horreur ; un bruit soudain et violent fait tressaillir ; une douleur intense fait crier. Tous ces phénomènes sont réflexes d’organisation, tellement inhérents à notre propre existence qu’à aucun moment nous ne les soupçonnons d’être volontaires. Vertige, clignement, dégoût, cri de douleur, tressaillement de frayeur, nous savons très bien que ce sont là des actes réflexes, et par conséquent nous leur appliquons avec raison l’épithète d’involontaires.

Au contraire, le réflexe d’acquisition, qui sera l’antagoniste de ce réflexe d’organisation, aura beaucoup moins aux yeux de la conscience le caractère de fatalité. En effet il sera sous la dépendance absolue de nos associations d’idées antérieures, et d’une élaboration d’idées très compliquée, fantasque et variable. Le résultat de cette élaboration intellectuelle à laquelle assiste plus ou moins la conscience est un phénomène dont la cause nous sera inconnue plus ou moins, et alors il nous paraîtra un phénomène de volonté. Cela est d’autant plus vrai que l’excitant réflexe y joue un rôle moins considérable. Quand il s’agit d’une action arrêtée ou d’une action produite, le phénomène que nous appelons volontaire est celui qui est le plus en antagonisme avec le réflexe fatal, involontaire, dont nous apprécions la fatalité. Arrêter un cri de douleur, c’est un fait de volonté ; ne pas cligner quand on approche un objet de notre œil, c’est un fait de volonté. Il y a antagonisme entre deux forces ; l’une est franchement involontaire, ayant une cause, extérieure à nous, que nous connaissons ; l’autre a une cause intérieure, due à notre conscience et dont nous pénétrons mal les ressorts ; c’est celle-là dont la cause nous est inconnue ou mal connue qui nous paraît volontaire. C’est à cette conclusion que Spinoza était arrivé.

On dit à un sujet somnambulique endormi : « Quand vous vous réveillerez, vous prendrez ce papier et vous le jetterez au feu ; vous ferez cet acte, et vous oublierez complètement que vous en avez reçu l’ordre. » Réveillée, cette personne, jetant les yeux autour d’elle, voit le papier en question, le prend et le jette au feu. Et quand on lui demande pourquoi elle l’a fait, elle dit que c’est parce qu’elle a voulu le faire.

Or, en réalité il s’agit là d’un réflexe psychique très compliqué. Par suite de l’association d’idées qu’on a imposée à la somnambule, le papier mis sur la table éveille en elle l’idée de le jeter au feu. C’est là une association qu’elle ne connaît pas, mais qui n’en existe